Épilation à la lumière pulsée : une histoire de pros ?

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L’ouverture de l’épilation à lumière pulsée a fait bondir le Syndicat national des dermatologues-vénérologues. Il met en avant des arguments médicaux, contestés, et qui laissent un peu dubitatifs…

Épilation à la lumière pulsée : une histoire de pros ?

La dermatologie : une spécialité pointue, avec un volet onco passionnant et des progrès thérapeutiques sur le mélanome, une sémiologie intellectuellement stimulante ! Et puis sinon, il y a les poils... C’est important, les poils. Assez pour avoir provoqué une levée de boucliers du Syndicat national des dermatologues-vénérologues (SNDV) face à un projet de décret ouvrant l’épilation par lumière intense pulsée (IPL) aux non-médecins. Notamment aux esthéticiens. Impensable !

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Car, rappelons-le, actuellement, l’épilation reste le pré carré des médecins, sauf si elles sont effectuées à la pince ou à la cire, au regard d’un arrêté datant de 1962. Une situation légale que les esthéticiens souhaitent voir changer. « La procédure court depuis deux ans, suite au rapport de l’Anses de décembre 2016 », indique à What’s up Doc Jérémy Mauvenu, directeur général de Dépil Tech, chaîne de centres d’esthétique non médicaux.

L’Anses fait comprendre les choses

Le rapport fait état d’effets indésirables, et conditionne la bonne utilisation des appareils à une formation adéquate… mais pas nécessairement médicale : « Tous les professionnels (médecins, collaborateurs de médecins, esthéticiens) amenés à utiliser des appareils à visée esthétique devraient être titulaires d’une habilitation […] complétée d’une formation continue », peut-on lire dans les conclusions. Il faut lire entre les lignes, mais l’Anses ouvre clairement la porte.
 
Le DG de Dépil Tech défend sa paroisse et a plusieurs arguments : le juridique, déjà. La législation française actuelle est en désaccord avec la législation européenne, qui permet aux esthéticiens de pratiquer l’IPL. Technologique, ensuite : les appareils sont interdits pour l’épilation, mais autorisés pour d’autres actes d’esthétique. Commercial, enfin : pour lui, il y a assez de travail pour tout le monde. « Aujourd’hui, 70 % du marché de l’épilation, c’est le rasoir », rappelle-t-il. « Nous avons une autoroute devant nous ».

Haro sur les esthéticiens miro-idiots !

Mais que dire face à l’argument massue du SNDV ? Le syndicat estime que des esthéticiens pourraient être amenés à aggraver des débuts de mélanome non détectés ou à modifier l’aspect de certaines atteintes, les rendant difficiles à détecter. Ils pourraient, surtout, passer à côté de pathologies qu’un dermato repèrerait, lui, au détour d’une épilation.
 
D’une part, tout comme l’Anses dans son rapport, Jérémy Mauvenu souligne une petite hypocrisie : de nombreux médecins délèguent les actes d’épilation à leurs assistants. Un médecin a même reçu une suspension ordinale pour avoir fait travailler son assistante à sa place (il avait attaqué en premier des centres d’esthétique pour exercice illégal de la médecine…).
 
Ensuite, est-il nécessaire d’avoir fait plus de dix ans d’études pour savoir qu’il faut éviter les zones pigmentées, repérer des taches qui pourraient être suspectes, refuser une épilation (ou simplement ne pas traiter la zone) et inciter le client à se tourner vers une consultation dermato ? Une petite formation pourrait largement suffire.

SFD VS SNDV

Ça, c’est l’avis du gars qui dirige une entreprise qui aimerait bien mettre la main en toute légalité sur un marché important. Mais c’est aussi celui du Dr Jean-Pierre Mazer, président du groupe laser à la Société française de dermatologie, ainsi que la position de cette dernière. Une position opposée à celle des dermatos de la SNDV.
 
« Certains dermatos veulent garder le marché de l’épilation, et je trouve ça abusif », explique-t-il à WUD, parlant – et ça nous rassure, quand même – d’une minorité de praticiens. Il pose en revanche des conditions à l’ouverture du marché : « que les esthéticiennes aient des connaissances sur la peau ». Ce qui, de son avis, n’est pas toujours le cas dans les chaînes de soins esthétiques, alors que les indépendantes ont en général une bonne connaissance de la santé de la peau… « Ce qui compte, c’est la compétence, pas le titre, et les esthéticiennes sont d’accord pour une formation adaptée », ajoute-t-il. Histoire que tout le monde soit sur un pied d’égalité

Et le matos dans tout ça ?

Et pour Jean-Pierre Mazer, il y a bien plus que de savoir qui sera amené à enlever du poil. Il souligne l’importance de préciser les normes, de mettre en place des homologations matérielles et des calibrations régulières, afin d’éviter les accidents et les brûlures. Pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité, il faudrait aussi imposer des assurances. Ensuite, sur la manipulation en elle-même, pas sûr qu’un médecin ait une dextérité supérieure à une esthéticienne qui ne fait que cela.
 
Ça, c’est l’avis d’un dermato qui a fait de l’épilation pendant trois ans, et qui a arrêté parce qu’il trouvait ça « gonflant ». « Il y a des choses bien plus intéressantes à faire. Et on aurait tort d’être corporatiste sur l’argent », ajoute-t-il. Car, au final, on aura beau prendre le sujet dans tous les sens, tout le monde le sait et presque tout le monde le dit : c’est avant tout une histoire de business.
 

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