Entretien avec le Pr. Guy Vallancien : le médecin de demain travaillera sans les mains

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« Pour un chirurgien, il n’y a plus besoin d’une gestuelle exceptionnelle »

Entretien avec le Pr. Guy Vallancien : le médecin de demain travaillera sans les mains

Le Pr. Guy Vallancien vient de publier un livre où il analyse les évolutions futures de la médecine. Le titre a de quoi faire réfléchir, voire de quoi faire frémir : « La médecine sans médecin ? ». What’s up Doc a donc voulu en savoir plus. Dans un premier entretien, l’urologue nous expliquait ce qu’est la « média-médecine ». Il nous parle maintenant de la disparition du contact physique avec le patient.

What’s Up Doc : Votre livre fait la part belle à la place que prendront à l’avenir la téléconsultation et les robots : le médecin pourra-t-il réellement se passer du contact physique avec le patient ?

Pr. Guy Vallancien : C’est déjà le cas pour beaucoup de maladies, qui sont muettes : aujourd’hui, c’est la mammographie qui permet de détecter le cancer du sein, et pas la boule que l’on sent à l’examen clinique. C’est une tendance qui va se poursuivre : on saura de plus en plus détecter les maladies avant qu’elles ne parlent. La clinique est donc en train de lentement disparaitre. Mais cela ne signifie pas la fin du contact avec le patient. L’interrogatoire long reste essentiel. Il faudra toujours entendre le malade, le laisser parler pour exprimer sa maladie.

WUD : Dans ces conditions, la figure du chirurgien artisan, voire artiste travaillant de ses mains, qui fait l’un des attraits du métier, ne risque-t-elle pas de disparaître ?

Pr. G.V. : Il y aura toujours des artistes qui inventeront, des ingénieurs qui développeront. Mais aujourd’hui, pour un chirurgien, il n’y a plus besoin d’une gestuelle exceptionnelle. Quand on regarde la façon dont un robot chirurgical fonctionne, la laxité des extrémités est incroyable. La machine est capable de compenser les limites humaines.

WUD : Face à de tels bouleversements, ne craignez-vous pas l’avènement d’une ère transhumaniste, où l’homme ne sera plus réellement lui-même ?

Pr. G.V. : A partir du moment où on est capables de réparer les hommes, on va vers l’augmentation des capacités humaines. Je ne suis pas un défenseur du transhumanisme, mais nous allons vers des rétines qui peuvent voir les infrarouges, des oreilles qui peuvent entendre les ultrasons, des exosquelettes qui peuvent porter des charges considérables. Qu’est ce qui va persister ? L’esprit. Mais attention, cela n’est pas sans soulever des questions. Si la machine se met à rattraper le cerveau, elle pourrait réellement nous dominer. Et ce n’est pas de la science-fiction. Il s’agit d’un thème essentiel pour l’humanité, auquel les politiques ne s’intéressent pas assez aujourd’hui.

Source:

Adrien Renaud

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