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« Plein de gens pensent que les douleurs de règles, c'est normal et que ce sont des chochottes, les femmes. Les personnes concernées l'ont intériorisé : on leur a toujours dit que c'était normal d'avoir mal pendant les règles », dit à l'AFP, Frédérique Perrotte, responsable de la filière endométriose Ile-de-France Sud.
« Un soignant qui pense comme ça, il ne va pas se former. Il y a tout un travail à faire sur les représentations, la sensibilisation », juge-t-elle.
En France où elle touche une femme sur dix - 200 millions de femmes dans le monde, selon l’OMS - cette maladie liée à la muqueuse de l'utérus (endomètre) est synonyme de sept ans d'errance diagnostique en moyenne.
En 2022, le président Emmanuel Macron a annoncé une stratégie nationale pour mieux diagnostiquer et prendre en charge cette maladie hormonodépendante inflammatoire chronique aux nombreuses manifestations (douleurs pelviennes, problèmes urinaires, lombaires, digestifs, infertilité, etc.) et pour laquelle il n'existe aucun traitement curatif.
Cette stratégie nationale s'accompagne d'un programme de recherche « santé des femmes, santé des couples » (dit PEPR), doté de 25 millions d'euros sur cinq ans (pour plus de moitié dédiés à l'infertilité) et de la création de filières régionales, financées par les Agences régionales de santé.
« Concrètement, les filières doivent créer un site, un annuaire, mettre en place des formations pour les soignants, infirmières scolaires, sage-femmes, pharmaciens... qui pourront ensuite dire à une femme : "C'est quand même bizarre vos symptômes, il y a une filière dans notre région, regardez quels professionnels aller voir" », explique Frédérique Perrotte.
Accompagnement multidisciplinaire
Ainsi, le site internet endo-idf.fr et l'annuaire d'Ile-de-France, répertorient 390 professionnels de santé (ostéopathes, kinésithérapeutes, diététiciens...) divers, cette maladie nécessitant un accompagnement multidisciplinaire.
Selon le ministère de la Santé, « une dizaine » de régions ont des filières « totalement déployées ».
« Les femmes ont besoin d'avoir un professionnel qui entend leur douleur et saura débuter un traitement ou les orienter », renchérit Marie-Paule Bernicot, coordinatrice d'Endobreizh, la filière endométriose de Bretagne aux 300 soignants répertoriés.
Elle accompagne les deux principales associations dédiées à l'endométriose en France, EndoFrance et Endomind, lors de conférences organisées à la demande de villes, associations, mutuelles.
La coordinatrice guide aussi les entreprises « qui s'interrogent sur la mise en place du congé menstruel » - pas encore instauré par la loi -, ou des « arrêts pour douleurs incapacitantes », et intervient dans des collèges/lycées.
Autre axe de la stratégie nationale : les programmes d'éducation thérapeutique, permettant aux patients de bien connaître leur maladie et d'être acteurs de sa prise en charge, se développent.
17 ans d'errance
Endomind a contribué à la construction de 25 programmes et autant en préparation, à « Paris, Besançon, Aix-en-Provence, Nîmes, Nantes, Toulouse, Calais, Lille... et bientôt Bordeaux » dit Véronique Pereira, patiente experte (malade devenue médiatrice auprès d'autres malades chroniques), qui les développe avec des soignants.
A 34 ans, elle a connu « 17 ans d'errance médicale pendant lesquels on (lui) disait que c'était normal de souffrir pendant les règles, jusqu'à ce qu'(elle) souffre la moitié du mois ».
Diagnostiquée à 28 ans, elle arrête son traitement hormonal après quatre ans car elle souhaite tomber enceinte - impossible avec l'unique traitement médical existant : la prise d'une pilule en continu - et dit bénéficier aujourd'hui d'une « prise en charge optimisée » avec gynécologue, kiné, ostéopathe, diététicienne, psy, coach sportive.
Si elle s'épanouit « en accompagnant d'autres femmes », elle déplore une absence de financement public du travail des associations de patients, qui les amène à « passer beaucoup de temps à chercher des fonds ».
Or il y a urgence : « Les femmes ont besoin qu'on les aide à améliorer leur qualité de vie, avoir moins de douleurs, de symptômes digestifs », dit-elle. « Quand on va à la selle huit à dix fois par jour, on n'a pas de vie sociale. »
Avec AFP