Déserts médicaux, la réponse de l’ISNAR-IMG aux candidats à la présidentielle : « Ne rajoutez pas des contraintes sur des choses qui existent déjà »

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Les déserts médicaux sont un sujet majeur de la campagne présidentielle, avec comme dénominateur commun, les internes comme variable d’ajustement et solution potentielle au problème. Marina Dusein, porte-parole de l’ISNAR-IMG nous commente les propositions des candidats.

Déserts médicaux, la réponse de l’ISNAR-IMG aux candidats à la présidentielle : « Ne rajoutez pas des contraintes sur des choses qui existent déjà »

Elle annonce la couleur, d’emblée. Les internes en font assez spontanément, et ils ne sont pas responsables, des défaillances du système de santé : « Ce qui est très pénible et c’est à chaque fois le cas, c’est de faire payer à la nouvelle génération des erreurs dont elle n’est pas responsable. Les déserts médicaux, ce n’est pas un problème nouveau. On n’a pas pris les mesures adaptées, et maintenant on veut changer les règles. C’est très ingrat. Les internes sont des personnes en état de fragilité, parce qu’ils sont censés être encore en formation. Là ils se retrouvent à gérer la crise sanitaire, alors qu’ils découvrent l’exercice, ce n’est pas simple. La contrainte est inutile et ne marchera pas. De toutes les façons on manque de billes, donc vous pouvez contraindre les billes à venir mais elles manqueront ailleurs. »

Les « docteurs juniors » de Valérie Pécresse et les « médecins assistants » d’Anne Hidalgo

Parlons alors des idées de Valérie Pécresse qui propose de professionnaliser la quatrième année d’étude de médecine générale, puis d’inviter les « docteurs junior » à « aller exercer l’année suivante dans une zone où l’on manque de médecins en contrepartie d’une bonification de leurs actes ». Le tout à partir de 2023 mais « sur la base du volontariat ». Ou très proche d’elle, sur ce sujet, Anne Hidalgo et ses « médecins assistants » qui pourraient venir prêter main-forte dans les territoires en tension, en transformant dès le deuxième semestre 2022, la dernière année d’internat en « année de professionnalisation, encadrée par un médecin expérimenté et avec une rémunération d’environ 3 500 euros par mois». La réponse de Marina Dusein est très claire : « Le fait de laisser le choix, le volontariat, dans la proposition de Valérie Pécresse, déjà c’est une bonne base » Sur le reste elle se fait plus cinglante : « Déjà, il faut distinguer, si c’est en tant qu’interne en dernière année, ou si on parle de la première année d’exercice. Ce sont deux choses différentes. Une année d’internat, on est encore en formation. Or le principe d’une zone sous dense c’est qu’il n’y a pas de médecin, donc pas de maitre de stage. Il y a un paradoxe dans l’approche. »

Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan, une bourse contre des années d’exercice

Jean-Luc Mélenchon est plus radical. Le candidat de La France Insoumise propose d’imposer aux jeunes médecins libéraux le lieu de leur installation pendant dix ans, en contrepartie « d’une paye normale, comme le Smic» pendant leurs études. Nicolas Dupont-Aignan le rejoint sensiblement, seule la durée change. Il veut "créer une bourse pour les étudiants en médecine en échange de laquelle ils s'engageront à s'installer dans une zone sous-dotée pendant leurs cinq premières années". Rien de nouveau sous le soleil pour Marina Dusein : « Ça existe déjà, c’est le CESP, le Contrat d’Engagement Service Public, une bourse que l’interne touche pendant son externat et/ou son internat, et pour laquelle il doit rendre des années en contrepartie. La théorie est intéressante, mais les retours de terrain, montre qu’il n’y a pas d’accompagnement, qu’au moment de s’installer, c’est très compliqué. Réinventer l’eau chaude c’est bien, mais il y a déjà des choses qui existent il faudrait juste les perfectionner. On a aussi du mal sur les engagements avec une durée déterminée qui vont à l’encontre du métier de médecin généraliste qui tisse des liens extrêmement forts avec les gens, un accompagnement potentiellement sur toute une vie. »

Fabien Roussel et la réforme de la liberté d’installation

Pour Fabien Roussel, le rétablissement de l’équité de l’offre médicale sur le territoire nécessite en revanche de tordre le bras aux libéraux. « Dans les zones denses, un médecin ne doit s’installer que pour remplacer un départ ». Là encore, rien de bien neuf pour l’interne : « Ça c’était un projet de loi qui a déjà été retoqué. Et ça n’a pas trop de sens, car même dans les zones où il y a des médecins, les patients vont vous dire qu’ils n’arrivent pas à accéder à des consultations. »

Marine Le Pen et Eric Zemmour, et ses 1 000 médecins salariés par l’Etat

Marine Le Pen se contente de promettre « une éradication des déserts médicaux ». La candidate du Rassemblement national propose des « incitations financières fortes », notamment une rémunération « modulée selon le lieu d’installation » et un développement de la télémédecine. Tandis que, plus directif, Eric Zemmour propose que « l’Etat embauche en urgence 1 000 médecins et les envoie comme salariés dans les déserts médicaux ». Et là encore pour la syndicaliste, ça coince : « Il faut déjà les trouver ces 1 000 médecins. Qui ? Où ? Sinon le salariat, n’est pas rebutant pour les jeunes médecins. Il fait moins peur que pour l’ancienne génération aux nouveaux médecins généralistes »

Alors si toutes ces propositions ont le mérite d’exister et de prendre à bras le corps ce sujet sérieux, pour Marina, « on en est encore malheureusement au constat pour beaucoup, alors que ces débats existent depuis très longtemps, avec des études, des rapports, des propositions… Et surtout on oublie un autre sujet qui aurait pu être un des gros sujets de la présidentielle : la qualité de vie du personnel soignant. On en a beaucoup parlé lors de la première vague du Covid, du burn-out, du trop-plein des soignants, du mal être de l’hôpital publique. Et comme d’habitude, comme ça vacille, ça fatigue, ça craque mais ça tient, alors on oublie… »

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