Des médecins retraités au secours des patients du Nord, laissés sans soin

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Leur but : éviter que certains ne "lâchent l'affaire", comme ce patient diabétique qui n'avait "pas consulté depuis cinq ans" : à Avesnes-sur-Helpe (Nord), quatre généralistes retraités ont repris du service face à la désertification médicale de la région. Rencontre.

Des médecins retraités au secours des patients du Nord, laissés sans soin

Dans le cabinet aux murs bleu vif, logé au centre hospitalier de cette petite commune rurale, Evelyne Debeaumont, 70 ans, a rendez-vous avec le Dr Didier Fontaneau, qui a presque le même âge.

Voilà deux années que la septuagénaire et son mari de 75 ans n'ont plus de médecin traitant. Leur dernier est parti en retraite sans trouver de successeur. Alors ces consultations avec des retraités, "c'est parfait comme solution", dit-elle, espérant toutefois voir un jour "de nouveaux médecins sur le secteur".

Depuis mi-mai, cinq médecins - quatre retraités et une trentenaire - assurent chacun une après-midi de consultation du lundi au vendredi, rémunérés par l'hôpital.

Une manière pour eux de continuer à aider des patients sans solution, mais aussi d'échapper à la forme de repli que peut représenter la retraite.

Ce dispositif s'inscrit dans la dynamique enclenchée par la campagne de vaccination contre le Covid-19, qui a mobilisé, déjà, des médecins à la retraite.

"L'objectif n'est pas de redevenir des médecins traitants, des référents, mais de répondre à la maman dont le gamin chauffe et qui passe la matinée au téléphone pour trouver un rendez-vous", explique Serge Gunst, le directeur de l'hôpital.

Le ratio des médecins sur le territoire est de 0,7 pour 1 000 patients

Au-delà du "dépannage" des patients, la consultation vise aussi à soulager les généralistes du secteur et éviter une embolie des urgences de Maubeuge, "éternellement saturées", poursuit-il.

Dans cette zone rurale, le nombre de médecins ne cesse de décroître et ceux qui prennent leur retraite laissent souvent leur patientèle sans recours.

"On estime à 20% le nombre de personnes sur le territoire qui n'a plus de médecin traitant", explique Nicolas Dosen, président du conseil de surveillance de l'hôpital et de la communauté de communes du Cœur de l'Avesnois (environ 30 000 habitants).

"Dans le secteur, le ratio est de 0,7 médecin pour 1 000 patients, ce qui est ingérable si les médecins ne commencent pas à 7h pour finir à 22h", complète Serge Gunst.

La lutte contre cette désertification médicale constitue une "urgence" pour le nouveau ministre de la Santé, François Braun, dans un système de santé français qu'il juge "à bout de souffle".

Retraité depuis 6 ans de son activité de généraliste libéral, le Dr Christian Castel, 72 ans, fait partie de ceux qui ont choisi de poursuivre leur activité : non seulement il assure une après-midi de consultation, mais il travaille aussi à mi-temps en médecine interne à l'hôpital.

Au départ, cette consultation devait résoudre des besoins ponctuels, mais on ne peut pas relâcher les patients dans la nature

"Un généraliste voit généralement 30 patients par jour, mais dans le coin, certains montent à 60", raconte le praticien, l'air juvénile sous ses cheveux gris.

Chez les patients qui ne parviennent pas à se faire suivre régulièrement, certains finissent par "lâcher l'affaire", tandis que "des complications s'ajoutent à bas bruit", s'alarme-t-il.

Il se rappelle notamment "d’un monsieur diabétique qui n'avait pas consulté de médecin depuis cinq ans".

Avec une quinzaine de patients en moyenne par après-midi, de tous âges, la consultation constitue une rustine bienvenue. Mais cette solution d'urgence risque de se pérenniser.

"On s'était dit au départ que cette consultation servirait à résoudre des problèmes ponctuels et on s'aperçoit qu'on doit prendre en charge des patients sur le moyen terme, qui ne vont pas trouver de médecin traitant et qu'on ne va pas relâcher dans la nature", explique le Christian Castel.

L'étape suivante pourrait voir la mise en place d'une maison de santé pluriprofessionnelle, une solution vantée par les pouvoirs publics.

"Salarier la médecine de ville, c'est l'avenir pour les jeunes médecins, qui ne veulent pas forcément s'installer", veut croire Nicolas Dosen.

Avec AFP

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