Retraites : les médecins libéraux, grands perdants de la réforme ?

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Les syndicats représentatifs des médecins libéraux s’inquiètent toujours de la baisse des pensions et du devenir des réserves. Et demandent au gouvernement de revoir urgemment sa copie.

Retraites : les médecins libéraux, grands perdants de la réforme ?

Alors que la commission spéciale retraites à l'Assemblée a dû mettre fin à ses travaux sur le volet principal de la réforme, sans parvenir à balayer l'ensemble du texte, en raison du dépôt de milliers d’amendements, les syndicats représentatifs de médecins libéraux et la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) ont tiré la sonnette ces derniers jours.
 
La réforme des retraites inquiète toujours beaucoup les médecins libéraux, se fait l'écho la CSMF qui estime que « leur pension va fortement diminuer avec le système de retraite universelle, puisqu’ils cotisent moins longtemps que les autres, du fait de leurs études très longues », dans un communiqué daté du 12 février.

C’est pourquoi le syndicat demande au gouvernement la mise en place d’un étage supplémentaire de retraites pour les médecins libéraux qui permettrait « le maintien du niveau actuel de cotisations retraite après réforme afin d’obtenir le même niveau de pensions qu’actuellement ». Cet étage supplémentaire viendrait en complément de la retraite issue du système universel, pourrait être géré par la Carmf et être abondé par une partie des réserves constituées par la profession, suggère le syndicat.

Le SML également inquiet

Par ailleurs, il est hors de question pour la CSMF que « les pensions de retraite des futurs et jeunes collègues médecins libéraux soient à un niveau bas voire très bas », en particulier si l’on tient compte de la longueur de leurs études et de leur vie professionnelle « souvent marquée par une grande responsabilité et une pénibilité non reconnue ».
 
Inquiétudes similaires du côté du SML qui estimait dans un communiqué daté du 30 janvier que « les médecins libéraux sont les grands perdants de la réforme », en se basant sur les calculs effectués tant par la Carmf et des experts indépendants.

Baisse des pensions de 33%

Conclusion du syndicat : l’inclusion dans le futur régime universel conduira « à une baisse significative du niveau des retraites et cela dans des proportions inacceptables ». Pour résumer, « les médecins libéraux auraient une retraite en forte baisse avec des cotisations en petite baisse, donc on est tout sauf gagnants dans ce système », confirmait il y a quelques jours à WUD le Dr Xavier Gouyou Beauchamps, le secrétaire général du syndicat Le Bloc.
 
Les projections de la Carmf, qui s’est lancée dans un comparatif prévisionnel pour l’année 2050 de la retraite des médecins libéraux, avec et sans réforme, sont en effet les suivantes : Si le système actuel était maintenu, la valeur des pensions serait de 50 729 euros par an en 2050 pour les médecins en secteur 1 qui auraient 80 000 euros de revenus. Si le système universel (SU) était appliqué, la valeur des pensions baisserait de 33 % pour atteindre 33 897 euros, soit une perte de 16 800 euros de pension par an ! 

Le Dr Jérôme Marty, président de l'UFMLS, rappelle d'ailleurs régulièrement ces chiffres sur son compte Twitter. Il estime également que la réforme va multiplier les fermetures de cabinets, diminuer les installations et augmenter les déserts médicaux. 

Fonte des réserves plus rapide que celles des glaciers 

Dans une courte vidéo à vocation pédagogique, le Bloc a même imaginé un scénario crédible où les réserves seraient rapidement consommées pour payer les retraites, « jusqu’à être épuisées en seulement quelques années ». Très vite, toutes les générations seraient dépendantes du régime universel, poursuit la vidéo qui conclut :
 
« En l’état, le projet gouvernemental acte donc la disparition des caisses autonomes et une fonte des réserves constituées bien plus rapide que celles des glaciers avec le réchauffement climatique ». 
 
Ces craintes sont partagées par les caisses de professions libérales (dont la Carmf) ainsi que celle des avocats, qui sont « très inquiètes sur le devenir des réserves que les professions ont constituées pour gérer leurs équilibres et du maintien de leur affectation aux fonctions qui leur ont toujours été assignées », selon un communiqué commun daté du 12 février.
 
Les caisses demandent donc que ces réserves soient utilisées selon les hypothèses financières actuellement prévues, « et non ponctionnées pour compenser l’insuffisance des flux financiers devant être assurés par le régime universel ».
 
Enfin, les caisses ont annoncé qu’elles réaliseraient leur propre étude d’impact, car les les éléments antérieurement transmis aux syndicats professionnels par le Haut-commissariat aux retraites présentent des différences significatives avec leurs propres estimations.
 
L’objectif est de « vérifier de façon objective, pour leurs ressortissants, que les hypothèses présentées par les instances gouvernementales, les modalités précises de calcul des cas-types, au regard notamment des régimes actuels auxquels cotisent les professionnels libéraux, sont exactes ». Ce qui permettra d’avoir une idée plus précise de l’évolution des cotisations, de l’évaluation des prestations futures et de leur rendement tant dans les régimes actuels que dans le futur régime.
 

MG France aussi inquiet
En soulignant les lacunes de l’étude d’impact et les incertitudes persistantes du projet de loi, le Conseil d’État a confirmé les inquiétudes de MG France qui réclame depuis plusieurs mois une évaluation précise des prestations ouvertes par le régime universel aux médecins libéraux, a déclaré le syndicat dans un communiqué le 12 février. MG France a répété qu'il refusait toute baisse du niveau de retraite actuel des médecins libéraux. Pour garantir ce niveau minimal de retraite si le régime universel était voté, le syndicat réclame : une évaluation rigoureuse et indépendante de l’impact du régime universel sur la retraite des médecins libéraux ; une attention plus soutenue aux faibles revenus qui, « selon plusieurs estimations, seraient moins protégés par le régime universel que les revenus les plus élevés » ; la mise en place, en complément du régime universel, « d’un régime chargé de compenser la baisse des prestations en rapport avec des cotisations moins élevées pour les médecins libéraux, dont la gestion pourrait être confiée à la Carmf ».

 

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