Déprogrammations administratives en Auvergne-Rhône-Alpes : les cliniques voient rouge

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Les déprogrammations des soins non urgents hors Covid semblent être devenues le lot quotidien des professionnels depuis un an et demi. Pourtant, certains syndicats dénoncent une organisation déconnectée de la réalité du terrain. Entretien avec Julien Cabaton, secrétaire adjoint du syndicat national des anesthésistes réanimateurs de France (SNARF).

Déprogrammations administratives en Auvergne-Rhône-Alpes : les cliniques voient rouge

Un couac et de l’agacement. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, les cliniques en ont marre des déprogrammations administratives. « Les déprogrammations annoncées pour la 3ème vague avaient pour but de libérer le personnel des cliniques qui n’avaient pas de service de réanimation Covid pour qu’ils puissent partir aider au CHU de Lyon. Ce qui se comprend. Mais on a découvert que l’on demande des réquisitions de personnes et à l’arrivée, on leur dit qu’on n’a pas besoin d’eux finalement », déplore Julien Cabaton.

« En fouillant un peu, on a découvert que ces déprogrammations n’étaient pas uniquement dans le but de libérer des lits mais également émanaient de la demande de certains médecins du CHU, qui étaient submergés et ne pouvaient plus opérer leurs patients. 85% des lits de réa en France sont dans les hôpitaux publics. Ils sont saturés, et donc doivent arrêter leurs interventions. Par souci d’équité et peur de perdre une patientèle, ils ont demandé de déprogrammer dans le privé aussi », avance Julien Cabaton.

Ce que le syndicat reproche aux demandes de l’ARS, c’est notamment un manque de souplesse. « Les ARS les communiquent, il s’agit d’injonctions administratives, nous n’avons aucune marge de manœuvre et il y a des contrôles ». Les déprogrammations concernent en moyenne entre 50% et 100% des opérations en fonction des semaines. Pourtant, le secrétaire adjoint du SNARF affirme qu’ils étaient encore en capacité d’accueillir les patients. Autre point d’accrochage, une planification tardive.

« Tout se fait dans la précipitation, le vendredi à 13h on apprend que l’on doit déprogrammer pour ses opérations dès le lundi. Donc il faut appeler les patients le vendredi après-midi.

Et parfois, a contrario, on apprend le vendredi midi, que la semaine suivante on peut reprendre 50%, il faut alors rappeler les patients annulés, demander s’ils sont disponibles pour le lundi. Or pour certaines interventions, il faut préparer le patients, arrêter un traitement… Cela demande de l’organisation. Nous avons l’impression que l’ARS, ce sont des gens dans des bureaux qui n’ont pas de souci de réalité humaine. Parfois on annule une opération prévue pour le lendemain ! », s’agace Julien Cabaton.  

Les déprogrammations demandent également une réorganisation des blocs : « des gens qui devaient venir travailler et qu’on annule au dernier moment, des gens qui se retrouvent à devoir refaire des plannings le week-end… les impacts sont multiples. »

Pour dénoncer des déprogrammations qu’il estime excessives, le syndicat est même allé jusqu’à écrire au ministre de la Santé Olivier Véran au mois d’avril. Courrier resté sans réponse. Tout comme leur demande auprès du directeur de l’ARS AURA d’être écouté en amont pour organiser au mieux les déprogrammations en fonction des capacités d’accueil réelles. « Je suis anesthésiste-réanimateur, je m’occupe de patients Covid, on ne refuse évidemment pas de les prendre en charge, mais on sait qu’on peut continuer à s’occuper des autres et on ne peut pas le faire à cause d’une interdiction par décision technocratique ».

Les réponses de l'ARS AURA sur les déprogrammations administratives 

Questionnée par WUD sur le sujet, l'ARS a souhaité s'exprimer et défendre sa démarche par écrit, assurant que les déprogrammations se font en concertation.

« A propos de la décision de déprogrammer les activités chirurgicales et interventionnelles non urgentes : il s’agit d’une décision prise par le directeur général de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes et en concertation systématique avec les fédérations hospitalières publiques et privées, les unions régionales des médecins libéraux et les directions des établissements pilotes. (...)  

La déprogrammation demandée n’était pas « totale » car elle ne concernait pas les activités de cancérologie et de chirurgie carcinologique, de greffe, de suivi des pathologies chroniques et a fortiori les urgences. En général ne sont pas concernées toutes les interventions et ou investigations dont le report constituerait une perte de chance pour le patient. À cet effet, l’ARS a toujours précisé que les décisions de déprogrammations sont prises par les équipes médicales qui en apprécient le caractère « différable » et que l’avis médical est souverain quant au risque de perte de chance. Ce ne sont ni l’ARS, ni les établissements qui déterminent les patients pour lesquels une déprogrammation est proposée, à la fois dans le public et dans le privé (...).

L’ensemble des professionnels de santé a été invité à venir en soutien des services de réanimation et bon nombre d’anesthésistes-réanimateurs des cliniques privées sont venus soutenir leurs collègues dans les établissements accueillant des malades en soins critiques. Tous les personnels qui souhaitaient le faire, le pouvaient. La solidarité entre établissements publics et privés et entre professionnels qui s’est exprimée en Auvergne-Rhône-Alpes a été exemplaire.

La concertation est permanente et ceci depuis la première vague avec les fédérations, les réanimateurs, les établissements et les professionnels libéraux représentés par les URPS notamment médecins. Les représentants des usagers sont également associés.

La décision de déprogrammation a été prise de manière progressive, pour une durée initiale limitée, et réévaluée chaque semaine avec les établissements et les fédérations hospitalières. Dès le lundi 26 avril l’évolution de l’épidémie a rendu possible l’allégement progressif du dispositif. Depuis, le directeur de l’ARS a signifié aux établissements autorisés à l'activité de chirurgie de la région, une reprise plus générale, et ce depuis le 10 mai, de manière concertée en lien avec les établissements pilotes des territoires de réanimation

 

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