Déontologie et médiatisation des médecins

Article Article

L’un des signes qu'une crise s'est durablement installée est probablement le fait que, malgré son lot de révolutions, chaque matin reste un éternel recommencement. Des matins au goût étrange et quelque peu amer, pour qui commence sa journée par jeter un oeil sur son mur d'actualités.

Déontologie et médiatisation des médecins

Ils ont défilé, les articles consacrés à des médecins stars… Et dans des revues de plus en plus prestigieuses au fil des semaines – Gala, Voici… –, dont les contenus n’ont rien à envier aux « Anges de la téléréalité ».
C’est ainsi que s’exposent les querelles intestines et les atermoiements d’un petit monde autour duquel se sont braqués les microscopes médiatiques. La prise de parole officielle ne répugne pas à s’y trouver mêlée à celle des polémistes les plus clivants, sur des chaînes où l’outrance est plus continue que l’info. 

Notre société est confrontée à une démocratisation des savoirs ainsi qu’à une diversification des sources d’information. Elle se retrouve soumise à une véritable mécanique addictive, dans laquelle l’excitabilité et la permanence de l’info maintiennent une population, logiquement en quête de savoir en ces temps incertains, sous perfusion. Toute prise de parole d’un corps de métier aux lourdes responsabilités – les fameux « sachants » – devrait être soumise encore plus.que d’ordinaire à une  éontologie stricte.

Cette déontologie existe pourtant bien. Elle est, concernant notre responsabilité médiatique, claire et imparable. La parole d'un médecin qui s'adresse à une population, bien entendu lorsqu'il la prend dans le cadre de sa fonction, est soumise à la même exigence d'éthique et de transparence que n'importe quel autre de ses actes. À savoir, entre autres, des devoirs d'information de son patient comme du public, mais aussi celui de veiller à l'utilisation qui est faite de son nom, de sa qualité ou de ses dires. Même lorsqu'il parle au nom d'une entreprise, d'un syndicat ou d'un parti, il est extrêmement gênant qu'un médecin omette ou modifie des éléments d'information, dans le but de servir une vision qui lui reste propre et, encore plus, non médicale.

Chaque mot de l’article R. 4217-13 du Code de santé publique (article 13 du Code de déontologie médicale) devrait nous interpeller :

Lorsque le médecin participe à une action d'information du public à caractère éducatif, scientifique ou sanitaire, quel qu'en soit le moyen de diffusion, il ne fait état que de données confirmées, fait preuve de prudence et a le souci des répercussions de ses propos auprès du public. Il ne vise pas à tirer profit de son intervention dans le cadre de son activité professionnelle, ni à en faire bénéficier des organismes au sein desquels il exerce ou auxquels il prête son concours, ni à promouvoir une cause qui ne soit pas d'intérêt général.

Ce n’est pas seulement en raison du contexte actuel que notre prise de parole nécessite de la prudence : c’est parce que cela fait partie du cœur de notre profession.

Notre parole, vectrice de savoir et donc source de pouvoir, porte. Et, dès lors qu’elle s’exprime dans un espace médiatique, il ne s’agit plus uniquement d’un échange avec des journalistes ou entre confrères, mais avant tout de l’émission d’un propos en direction d’un récepteur invisible mais bien réel. Quand un confrère prend la parole, en des temps si cruciaux, il est essentiel qu’elle soit soupesée, réfléchie. Il est bien évidemment indispensable que nous soyons visibles dans de telles  circonstances.

Mais cette visibilité ne sert à rien, voire est contreproductive, si elle est inaudible. Bien loin d’avoir apaisé le phénomène, l’installation de la crise sanitaire dans la durée semble l’avoir emballé. Il nous faudra sortir nous aussi de cet état d’urgence, de ce pic médiatique dans lequel beaucoup ont été happés. Réfléchir collectivement au sens profond de notre communication, et peut-être s’entendre sur sa forme. Clarté et mesure comme repères cardinaux dans ce moment déboussolé.

Les gros dossiers

+ De gros dossiers