Daron samedi

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Critique de "Petit samedi", de Paloma Sermon-Daï (sortie le 7 juin 2023). Damien Samedi est à jamais le gamin de sa mère, celle qu'il voudrait protéger, et réciproquement, dans une relation fusionnelle scellée par sa toxicomanie.

Daron samedi

Au moyen de ce beau documentaire, Paloma Sermon-Daï arrive à capter la vie, d'une banalité terriblement émouvante.

Il faut imaginer ce que serait devenu ce couple mère-fils de cinéma, celui imaginé par Xavier Dolan dans Mommy. Ce que ces deux-là seraient advenus si la tragédie ne les avait pas touchés. Probablement, à l'image d'Ysma et de son fils cadet Damien, se seraient-ils assagis, pas totalement éteints, rejouant incessamment leurs scènes in petto, dans un éclat atténué et avec un goût intact pour la provocation. Ce duo incroyablement boulevardier et aux accents beckettiens est tellement "installé" dès l'entame de ce documentaire, et en constitue tellement le dispositif, que l'on croit dans un premier temps assister à une fiction. Les dialogues semblent écrits, mère et fils Samedi s'envoyant l'un l'autre des piques dans une relation où la frontière entre tendresse et brutalité est abolie. 

Et puis, sous le vernis de la comédie, affleurent rapidement des inquiétudes, des blessures, une vie banale mais où le drame ne semble jamais loin - une mère qui recherche son "gamin" en haranguant les passants ou en jetant furtivement un regard par dessus le pont... Petit Samedi, c'est cet éternel gamin qui s'est abîmé dans les fêtes et la drogue en bord de Meuse, celui qui ne comprend pas par quel mécanisme s'est installée cette vie répétitive, ce désoeuvrement à la fois cause et conséquence de ses consommations. Consommations que l'on ne verra jamais, et dont il porte si peu les stigmates, si ce n'est cette torpeur amotivationnelle. La réalisatrice l'accompagne dans sa démarche psychothérapique où la thérapeute, comme la toxicomanie, est hors-champ. C'est par des mots simples et un naturel confondant que l'on voit cet homme entamer le processus, dans la redécouverte de sa propre histoire et un début d'exploration de son ambivalence. Peu à peu, et sans changer de décor, ces deux-là vont pouvoir se parler vrai. Rien de révolutionnaire, mais tout ceci est réalisé avec une grande maîtrise, où les plans larges comme resserrés savent saisir ce qui se ressent au-delà de ce qui se voit et s'entend.

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