CPTS : le nouveau « machin » à la mode qui sauvera la médecine libérale ?

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CPTS. C’est le nouveau sigle à la mode, et pas le plus sexy. Mais les communautés professionnelles territoriales de santé s’annoncent comme un passage obligé pour les libéraux, invités à s’organiser à l’échelle des territoires (voir encadré). Alors nous avons demandé au Dr Claude Leicher, président de la Confédération des CPTS après celle de MG France, de nous vendre  un peu de rêve !
 

CPTS : le nouveau « machin » à la mode qui sauvera la médecine libérale ?

What’s up Doc. Les CPTS, ce n’est pas fun mais il paraît que c’est important. Pourquoi ?
Claude Leicher. L'idée c'est que les acteurs d’un système de santé ont trois sujets à traiter : le patient, la patientèle, et la population. En ambulatoire, on s’occupe bien des patients et des patientèles, mais pas de la population (sauf exception, comme les secteurs de garde.) Les CPTS visent à ce que les acteurs de l’ambulatoire, presque tous libéraux, puissent se rencontrer et examiner ensemble les questions de santé populationnelle.

En somme, c’est la santé pub’ qui débarque dans l’exercice médical.
CL. Absolument ! Et il y a plein de sujets. Pour améliorer la participation au dépistage, par exemple, ou la relation ville-hôpital. À l’heure actuelle, tout dépend des relations du médecin et de l’hôpital : parfois un patient sort et on reçoit un coup de fil à 17 heures pour organiser le retour à domicile ! Il faut organiser tout ça. Si je vais voir l’hôpital de Valence en leur disant « on peut travailler comme ça », ils vont me dire « ok, on vous aime bien, mais comment on fait avec les mille autres médecins de la Drôme ? ». On a besoin d’avoir une légitimité territoriale.

Tous les libéraux vont devoir se mettre à la CPTS ?
CL. La disparition de l’exercice libéral est un fantasme. Ce n’est pas le sujet ! Il s’agit de conserver son exercice, en l’enrichissant de préoccupations collectives. En faisant cela, on va plutôt améliorer l’intérêt de l’exercice libéral, pour la population mais aussi les pouvoirs publics. Ils voient bien qu’il y a un problème et n’arrêtent pas d’essayer de trouver des solutions, ce qui se solde souvent par la création d’une nouvelle administration… Les CPTS sont l’opportunité d’apporter une dimension de service au public issue de l’initiative des acteurs de terrain.

Qu'en est-il pour vous ?
CL. Je travaille depuis 15 ans en maison de santé dans la Drôme, en zone rurale. Notre CPTS est en cours de création sur notre secteur de garde, qui concerne environ 25 000 habitants. Elle regroupera 18 médecins, une vingtaine de kinés, une cinquantaine d’infirmières et 8 pharmacies. La plupart des échanges seront télématiques, mais nous prévoyons de nous réunir une ou deux fois par an.

« Un lieu concret, avec un agenda partagé, un secrétariat, du personnel... »

Les CPTS ont-elles vocation à être dématérialisées ?
CL. Dans un premier temps, les CPTS prendront la forme d’une communauté virtuelle, sans mur – à la différence des maisons de santé. Évidemment, on aura besoin de se réunir de temps à autre, et on le fera dans des locaux que nous prêteront les uns et les autres. Quand les CPTS seront matures, il est évident qu’il faudra un lieu concret, avec un agenda partagé, un secrétariat pour prendre les appels, du personnel pour faire le travail de l’animation... Mais ce n’est pas le sujet pour l’instant : on en est encore à expliquer et mobiliser les acteurs.

Justement, les négociations sur les CPTS se sont ouvertes le 16 janvier, entre les syndicats et l’assurance maladie. Quels sont les enjeux ?
CL. Trouver un mode de financement pour les services rendus par les CPTS qui soit : stable, pérenne, visible, souple et adaptable…

Que dites-vous à ceux qui craignent une nouvelle invasion de paperasse ?
CL. En même temps que les négociations sur les CPTS, il y a celles sur les assistants dans les cabinets médicaux : ce n’est pas un hasard. L’étape suivante, ce sera du secrétariat. Progressivement, les CPTS vont devenir un lieu de production de données, ce qui a une valeur incommensurable en santé publique. Mais on ne va pas dire aux médecins de faire ça : ce sera aux fonctions support, dans les CPTS, de prendre en charge la production des données et l’évaluation des pratiques.

« Il faut faire avec l'ambulatoire ce qui a été fait pour l'hôpital en 58. »

Faisons un peu de prospective utopiste : nous sommes en 2040, et tout s’est déroulé à merveille... À quoi ressemble l’exercice libéral ?
CL. On a environ 25 % du temps de travail consacré à l’organisation et l’examen des pratiques. Comme les groupes de pair chez les médecins, mais pluriprofessionnels : le trio généraliste - infirmier - pharmacien, et au besoin les kinés, orthophonistes, neuropsy, podologues… Dans ce temps de travail, il y a aussi des échanges avec les hôpitaux, notamment psychiatriques, la santé scolaire et la PMI. Quant aux 75 % restant, ils se partagent entre le soin et la santé (dépistage, prévention, ndlr).

Il faut un lieu géographiquement central par CPTS, où on peut implanter du secrétariat partagé, des ordinateurs pour recueillir des données de santé, une salle de réunion, une machine à café... Il faut aussi un numéro de téléphone, qui permette par exemple à l’hôpital de joindre la CPTS en cas de besoin. Cet hôpital, on aura envie de lui rendre service, et réciproquement. Le « faite-le passer par les urgences », en 2040 ça n’existe plus !

Un dernier mot pour la route ?
CL. En 58, avec le professeur Debré et la création des CHU, on a organisé la modernisation et l’excellence de l’hôpital public. Le système de santé français se caractérise par un déséquilibre entre cet hôpital très puissant et organisé, et le système ambulatoire. Il faut faire la même chose en ambulatoire, et nous organiser pour prendre en charge les problèmes de santé qui n’ont rien à faire à l’hôpital. On a 23 millions de passages par an aux urgences, dont près de la moitié ne sont pas justifiés. Ce n’est pas la faute des libéraux : nous sommes saturés et n’avons pas les moyens de gérer le flux. Mais il faut se mettre au travail pour que ça change.
 


Les mille et une missions des CPTS

Instaurées par la loi Touraine, les com­mu­nau­tés pro­fes­sion­nel­les ter­ri­to­ria­les de santé (CPTS) ont vocation à permettre aux professionnels du secteur ambulatoire de se coordonner à l’échelle des territoires, sur des bassins de vie regroupant de 20 000 à 200 000 habitants. Leur importance a été réaffirmée dans le plan Ma Santé 2022 d’Agnès Buzyn, avec l’objectif affiché de 1000 CPTS créées d’ici 2022. Plusieurs missions leurs seront graduellement dévolues :

  • garantir l’accès à un médecin traitant à l’ensemble des patients (1 patient sur 10 en est dépourvu à ce jour) ;

  • organiser l’accès aux soins non programmés dans un délai raisonnable ;

  • gérer les parcours de soins des patients complexes (coordination ville-hôpital, maintien à domicile...) ;

  • mener des actions de prévention et d’amélioration des pratiques ;

  • participer à la formation des futurs médecins de ville.


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