Courir d'aimer

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Ciné week-end : Plaire, aimer et courir vite, de C. Honoré (sortie le 10 mai 2018)

Courir d'aimer

L'amour au temps du SIDA. En 1993, la rencontre inattendue entre un jeune étudiant breton et un auteur parisien désabusé. Coup de foudre chez l'un, ambivalence chez l'autre. Comment arriver à concevoir l'amour quand l'un des deux est condamné...Un thème abordé avec beaucoup de finesse et de profondeur pour un film grave en état de grâce.

Au sortir de Plaire, aimer et courir vite - dont il a fallu rédiger la critique aussi vite que le titre l'indique, pour raison cannoise - il est évident que Christophe Honoré avait beaucoup à dire sur le sujet qu'il aborde. Il est évident aussi que, phénomène 120 PBM oblige, il devenait plus risqué d'arriver à se faire autant entendre, autant aimer, à autant impacter aussi.

Pourtant, et c'est cela qui en forge l'évidence, c'est uniquement grâce à son talent qu'Honoré fait de cette histoire un beau film, un grand film même. Un film littéraire mais jamais faux, qui parle tout le temps ou presque, où chaque mot compte, surtout les plus superficiels, comme s'ils étaient un rempart face à la mort qui vient. Des mots et des gestes mis en scène avec une élégance qui ne peut que rejaillir sur les deux acteurs, confondants de justesse sur des registres très différents.

Histoire d'amour? Pas si simple. Celui d'Arthur pour Jacques a la force d'un premier amour de jeunesse, mais comme il le dit lui-même, il est prédisposé depuis des années à vivre cela, empêché avant tout par l'état d'esprit des hommes qu'il rencontre. Quant à Jacques, il se fuit de plus en plus alors que l'échéance se rapproche, et voit dans cet amour tout ce que la vie pourrait encore lui donner, mais qui devra forcément lui être repris. Cette histoire ne pourra donc être vécue, tout au plus effleurée. C'est probablement ce qui la rend belle et douloureuse. Mais c'est aussi, semble nous dire Honoré, le seul moyen de rester vivant, en tout cas d'agir sa vie. Comme si, à travers cette rencontre, chacun trouvait sa vérité, et le courage - de se lancer dans la vie comme de renoncer.

Enfin, Honoré sait réhabiter, avec toute sa nostalgie mais aussi toute sa modernité, une époque qui ne peut paraître que terriblement lointaine, accélération technologique oblige - comme si le temps, lui aussi, s'était mis à courir encore plus vite depuis la parenthèse tragique des "années SIDA". Et c'est par le vecteur d'objets anodins mais révolus - une cabine téléphonique, un appareil photo jetable - que cette conscience du temps qui passe, mais aussi que l'amour, malgré la mort, pouvait prendre son temps, émeut particulièrement.

Source:

Guillaume de la Chapelle

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