Comme il est parti…

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Critique de Le Roman de Jim, de Jean-Marie et Arnaud Larrieu (sortie le 14 août 2024).

 Aymeric est un gars gentil. Profondément. Cela le pousse à ne jamais s’imposer, jusqu’au jour où il va être confronté à la perte du seul lien qu’il a vraiment décidé de maintenir : celui qui l’unit à Jim, son beau-fils, dont il a rencontré la mère alors qu’elle était encore enceinte de lui. Un fils, une bataille. 

Comme il est parti…

Les frères Larrieu signent un film empli d’amour pour son personnage principal, sensible et délicat, et dressent le portrait tout en générosité et non exempt de nuances d’un trouble de personnalité évitante. 

Certains films sont des rencontres. Les frères Larrieu, arrimés à leurs Pyrénées, ont croisé le chemin du romancier Pierrick Bailly, dont on imagine le pouvoir des mots pour qu’ils fassent le déplacement jusque dans son Haut-Jura. C’est en effet plus qu’à une simple adaptation littéraire que l’on assiste : comme si les frères, par l’impact de ce roman-là, s’y étaient eux-mêmes adaptés, bouleversant leurs habitudes narratives, les intimant à accéder plus directement à une vérité émotionnelle. Comme ces cinéastes tournant dans une langue différente, en pays étranger. Cette langue-ci, qui reste néanmoins en belle partie la leur, ils l’ont en tout cas apprise sans difficulté. On adorerait savoir en quel endroit intime s’est produite cette rencontre et s’est développée cette alchimie.

« Karim Leklou fait exister son personnage, Aymeric, une belle âme à la générosité qui interroge... »

À l’écran, cet alliage fécond est symbolisé par le travail qu’accomplit Karim Leklou (qu'on a adoré dans Hippocrate) pour faire exister son personnage, Aymeric, une belle âme dont on se demande sans cesse si la générosité constitue la base ou simplement le reflet d’une incapacité à choisir, à affirmer son existence, son importance. En plaçant sur son chemin une paternité non voulue mais intensément ressentie et vécue, les auteurs mettent à l’épreuve ses règles intangibles de fonctionnement. Lui qui est allé jusqu’à accepter de séjourner en prison pour un délit auquel il n’a que très partiellement, et très naïvement, concouru, jusqu’à quel point acceptera-t-il que son schéma répétitif, son scénario de vie, devienne toxique à force de s’y soumettre ? 

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La force du film des Larrieu est sans aucun doute de nous faire percevoir, sous couvert d’une approche assez douce et empathique en surface de chacun de ses personnages, la violence du dilemme, le chamboulement de la remise en cause de stratégies adaptatives jusqu’alors synonymes de survie. Quand elles touchent à l’essentiel de l’individu mais qu’elles le convainquent que cet essentiel reste accessoire eu égard à leur respect, ne s’agit-il pas là de l’essence-même du trouble de personnalité ? Il fallait probablement la force du roman, peut-être plus que des images, pour en être à ce point saisi. 

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