Avouons-le. 90 % des communiqués de presse que nous recevons chez What’s up Doc finissent dans la corbeille ou dans les courriers indésirables. Un simple coup d’œil au titre suffit en général pour prendre notre décision.
Il arrive bien sûr que certains communiqués nous parlent, nous interpellent, nous surprennent, si bien qu’ils débouchent parfois sur les excellents articles que vous avez l’habitude de lire.
Mais il arrive aussi, ce qui est nettement plus rare, que certains communiqués nous fassent rire. Non pas qu’ils avaient vocation à nous faire glousser pour tenter de gagner notre sympathie. Mais tout simplement parce que leur contenu frise la caricature, la parodie, le ridicule ou le délit de mauvaise foi.
Risque au-delà de 10 heures
Dernier exemple en date, un communiqué de l’AP-HP intitulé… roulement de tambour… attention… vous êtes prêts à rire… « Étude de l’association entre risque d’AVC et exposition à un temps de travail prolongé ».
Non, non, vous ne rêvez pas. L’AP-HP met en garde la communauté médicale contre le temps de travail prolongé, « qui correspondrait à plus de dix heures par jour au moins 50 jours par an » et qui pourrait « représenter un risque de survenue de maladies cardio-vasculaires ou d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ».
Ce constat est issu d’une étude menée par une équipe française de l’hôpital Raymond-Poincaré (AP-HP), de l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, de l’Université Paris-Saclay et de l’Inserm, en collaboration avec des équipes américaines, européennes et japonaises. Ces travaux, menés à partir des données de la cohorte française CONSTANCE (1), ont été publiés le 20 juin dernier dans la revue Stroke de l’American Heart Association.
Le risque augmente au-delà de 10 ans
L’équipe a utilisé un modèle statistique qui permet d’évaluer l’association entre temps de travail prolongé et AVC, en fonction de l’âge, du sexe et du type de travail (médecins aussi ?).
Sur plus de 140 000 patients inclus, 0,9 % ont rapporté un AVC, 29,6 % des temps de travail prolongés et 10,1 % des temps de travail prolongés sur plus de dix ans. On imagine le pourcentage pour les internes et les médecins…. Il est peut-être préférable de ne pas imaginer…
On se bornera juste à rappeler que l’AP-HP a mené un audit le 14 mai dernier auprès d’environ 500 internes, plus de 300 chefs de service et une douzaine de directions des affaires médicales. Il confirmait que les internes interrogés dépassent largement leur temps de travail légal. Seuls 27 % le respectent. Ils sont en revanche 42 % à travailler entre 49 et 60 heures, et 5 % plus de 80 heures par semaine...
Conclusion de l’étude : un temps de travail prolongé a été associé à un risque de survenue d’AVC 29 % plus important dans cette population que dans celles travaillant moins. « Être exposé à un temps de travail prolongé sur dix ans minimum est fortement corrélé à la survenue d’AVC, avec un risque doublé dans cette population par rapport à celle travaillant moins », précise le communiqué.
Message caché ?
Faut-il en conclure que l’AP-HP a voulu faire passer un message subliminal ? Que le risque d'AVC est plus important pour les médecins qui ont travaillé « dix ans minimum » à l’AP-HP ? Qu’il serait donc préférable, si tel était le cas, qu’ils quittent au plus vite le « paquebot » pour ne pas mettre en danger leur propre santé ?
Difficile de savoir ce qu’il se passe dans la tête de la direction de l’AP-HP. Mais une chose est sûre, elle a, consciemment ou pas, de l’humour ! Ou beaucoup d'auto-dérision.
(1) La cohorte CONSTANCES est un projet dirigé par Marie Zins à l’Hôtel-Dieu AP-HP /Université de Paris dans le cadre d’un partenariat entre l'Inserm, la CNAM (Caisse Nationale d'Assurance Maladie), la Cnav (Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse), la Direction générale de la santé et l'UVSQ. En savoir plus : http://www.constances.fr/