Au programme du "Ciné-club Barberousse": "Oslo, 31 août" de Joachim Trier

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Le cycle de projections et conférences consacrées à la médecine et au soin se poursuit au cinéma Nouvel Odéon (6, rue de l'Ecole de Médecine, Paris 6e). Les conférenciers reçoivent ce samedi 2 février Jean-Victor Blanc, qui apportera son regard d'addictologue à ce beau film de Joachim Trier, adapté du "Feu Follet" de Drieu la Rochelle.

Au programme du "Ciné-club Barberousse": "Oslo, 31 août" de Joachim Trier

Il y a quelques années, Joachim Trier se faisait un nom sur la scène cinématographique internationale grâce à une chronique aussi insaisissable que son héros, un toxicomane abordant la trentaine et ayant déjà l'impression d'avoir fait le tour de sa vie. Ce "31 août à Oslo", échappé à la mémoire collective, ou plutôt à l'oubli collectif, reste à hauteur d'individu tout en étant mis en scène avec un contrôle frisant le détachement.

Au lever du jour, un homme quitte silencieusement sa compagne encore endormie et pénètre dans un lac les poches lestées par de volumineuses pierres. Il ne se suicidera pas. Le veut-il, d'ailleurs? Peu de choses filtreront de la personnalité d'Anders, tout au plus des bribes de son passé, au gré de ses rencontres avec les gens qu'il a connus et que la toxicomanie et la dépression ont éloignés de lui. Et c'est ce mystère qui permet d'entretenir le doute jusqu'au bout : les occasions manquées, les désillusions et les impasses répétées peuvent-elles laisser une place à l'espoir ?

Joachim Trier sait filmer les êtres aussi bien que les lieux, chacun dans leur vérité - ou plutôt dans celle qu'il veut nous transmettre. Il crée ainsi un décalage constant entre la quiétude de l'atmosphère osloïte et la lutte invisible de son héros pour tenter de continuer à vivre. Et réussit à distiller dans chaque plan, et rendre ainsi de plus en plus concrets son immense solitude et son sentiment de vide interne, qu'une cure n'a pas suffi à apaiser. Du point de vue du psy, il semble que chaque étape de cette journée - qui pourrait être sa dernière - l'enfonce toujours un peu plus dans l'incommunicabilité, le détachement et la négation de soi. Bref, dans une anesthésie que ses anciens artifices ne parviennent même plus à interrompre. 

Le film nous confronte instantanément à la puissance de la mise en scène. En saisissant de façon aussi remarquable l'éphémère, l'anecdotique, et en nous le proposant d'emblée comme la vision de son héros, sa vérité en quelque sorte, Joachim Trier nous offre une description froide et clinique. Et pourtant, ces images échappées au temps - telle cette tour qui s'effondre au début du film - et cette mosaïque de fragments de vie contés au début du film semblent vouloir nous dire l'inverse de ce que Anders expérimente si douloureusement, et nous à travers lui. Comme si, toute proche de son vécu dépressif le confrontant à une mort interne, se tenait, immuable, une vie prête à jaillir. C'est bien sur cette ligne de crête entre le vide et le trop plein que se tient constamment le sujet addict. Non pas différent, mais douloureusement semblable au reste de l'humanité, et ne l'acceptant pas...

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