Antivaxx et complotisme ont fait baisser le taux de vaccination au ROR dans les Balkans : « le risque d’une épidémie de rougeole est élevé »

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Antivaxx, complotisme, laxisme des états, de nombreux facteurs expliquent la baisse de la vaccination ROR dans les pays comme le Monténégro, la Macédoine, la Serbie… faisant redouter une épidémie meurtrière.

Antivaxx et complotisme ont fait baisser le taux de vaccination au ROR dans les Balkans : « le risque d’une épidémie de rougeole est élevé »

Vanja a vacciné son fils aîné mais s'est arrêtée là, refusant tout net d’inoculer le cadet. L'enfant n'allait pas être immunisé contre la rougeole.

La psychologue de 44 ans, qui habite Podgorica, capitale du Monténégro, a basculé après avoir reçu un déluge d'avis et d'informations partagés dans un groupe en ligne.

"Je ne fais pas confiance au système de vaccination. Nous manquons d'information et d'éducation", dit Vanja à l'AFP, qui souhaite taire son nom de famille.

"Je ressens le poids de ma responsabilité et la décision n'a été ni simple ni facile."

De nombreux parents font le même choix dans le minuscule pays des Balkans.

Le Monténégro enregistre le taux de vaccination au ROR (rougeole, oreillons et rubéole) le plus faible du monde. Selon l'Organisation mondiale de la santé, seuls 23,8% des enfants avaient reçu une première dose en 2020.

Les experts redoutent une épidémie de rougeole imminente au Monténégro et chez ses voisins des Balkans, où la vaccination réalisée en deux doses recule aussi du fait de la désinformation, surtout par temps de Covid-19.

La rougeole a tué 207 000 personnes dans le monde en 2019

"Le risque d'épidémie de rougeole est élevé", explique à l'AFP Dragan Jankovic, responsable de programmes d'immunisation à l'OMS.

"L'importation du virus de la rougeole n'est qu'une question de temps (...). Dès qu'il aura été importé dans une population vulnérable, une épidémie débutera."

En Macédoine du Nord voisine, 63% des enfants ont reçu une dose de ROR et 78% en Serbie.

D'après les spécialistes, pour éviter que la rougeole ne se répande, il faut que 95% au moins des habitants aient été complètement vaccinés contre cette maladie extrêmement contagieuse et qui peut être mortelle.

Depuis deux décennies, la méfiance envers le vaccin ROR surfe sur une étude truquée de 1998 qui avait suggéré un lien avec l'autisme.

Les Nations unies multiplient les mises en garde en expliquant que les conditions sont idéales pour des épidémies de maladies évitables alors que la pandémie a bouleversé les accès à la vaccination de routine.

La rougeole a tué plus de 207.000 personnes dans le monde en 2019, ce qui n'a pas empêché la vaccination de baisser dans de nombreux endroits.

Au Monténégro la vaccination au ROR n’est pas obligatoire pour entrer en maternelle.

D'après l'OMS, le taux d'administration de la première dose est passé de 86 à 84% dans le monde entre 2019 et 2020. Seuls 70% ont été complètement vaccinés avec deux doses pendant la même période.

Dans les Balkans, la montée de la vague anti-vaxx est alimentée entre autres par la méfiance envers les autorités, le laxisme dans l'application des règles et un déluge de désinformation sur les réseaux sociaux depuis le début de la pandémie.

Au Monténégro, les médecins ont appelé le gouvernement à prendre les choses plus au sérieux, expliquant que les légères amendes infligées aux parents refusant de faire vacciner leurs enfants n'ont rien fait pour renverser la vapeur.

"La vaccination au ROR n'est pas une condition pour l'inscription dans les écoles et les maternelles", dit à l'AFP Milena Popovic Samardzic, épidémiologiste de l'Institut monténégrin de la santé publique.

Selon une étude Ipsos de 2021, près d'un tiers des Monténégrins adhèrent à une théorie conspirationniste qui accuse les autorités de vouloir injecter les enfants avec des produits qui provoquent l'autisme.

Plus de la moitié des habitants sont convaincus que les "élites mondiales" ont créé le coronavirus pour réduire la population de la planète, poursuit la même enquête.

En Serbie, le vaccin est obligatoire pour les élèves mais les experts accusent les autorités de fermer les yeux sur les contrevenants et de ne réagir qu'en cas d'épidémie.

La dernière épidémie en Serbie en 2017 avait causé 12 décès

"Il faut simplement que l'Etat suive ses propres règles", déclare à l'AFP Georgios Konstantinidis, chef de l'association des pédiatres de Serbie.

"Mais personne ne le fait, ni les parents, ni les gens dans les maternelles qui inscrivent leurs mômes via leurs contacts".

La dernière épidémie en Serbie remonte à 2017, avec 3.800 cas enregistrés et 12 décès, dont deux enfants.

Dans la foulée, le parquet avait lancé des poursuites contre 43 anti-vaxx accusés de "semer la panique" mais aucun n'a été condamné, raconte Vladimir Cimerman, un médecin de Belgrade à l'origine d'une plainte.

Avec la possibilité d'une nouvelle épidémie à l'horizon, les médecins ont l'impression que leurs avertissements tombent dans l'oreille de sourds.

"Nous manquons de responsabilité sociale. J'en ai marre de tout", dit amer Georgios Konstantinidis. "Les valeurs humaines de base ont disparu de notre société comme du monde entier d'ailleurs."

Avec AFP

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