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« On reçoit très régulièrement des signalements de sites qui vendent des produits illégalement. On fait des dépôts de plainte, mais c’est très difficile à suivre, ils ferment et réapparaissent aussitôt ailleurs », déplore à l'AFP Carine Wolf-Thal, présidente de l'Ordre national des pharmaciens.
Depuis 2013, les pharmacies établies en France peuvent proposer la vente en ligne de médicaments non soumis à une prescription médicale obligatoire.
Pourtant, sur internet, une simple recherche à partir d'une molécule fait apparaître des dizaines de sites usurpant l'identité de pharmacies et vendant des médicaments soumis à ordonnance.
Certains peuvent être promus par des mails, des publicités sur les réseaux sociaux ou de faux blogs santé.
Selon le dernier rapport du groupe de cybersécurité Gen, la France serait « le pays le plus ciblé » par ces faux sites de pharmacies, appelés « PharmaFraud », détaille à l'AFP Michal Salàt, directeur des recherches sur les menaces d'Avast – entreprise appartenant au groupe.
Dans le monde, les chercheurs ont identifié un réseau de « plus de 5 000 faux sites commercialisant des traitements » et plus de « 151 000 attaques PharmaFraud ont été bloquées » par Avast depuis janvier en France, ajoute-t-il.
Selon l'expert, « la forte adoption du commerce électronique dans le secteur de la santé » ainsi que les « difficultés occasionnelles d'approvisionnement en médicaments » font de la France un « terrain fertile » pour ce type d'escroqueries.
Des additifs toxiques dans les médicaments
De son côté, la plateforme Cybermalveillance.gouv.fr indique également à l'AFP avoir identifié depuis l'année dernière « un nombre notable d'enregistrements de noms de domaines suspects avec le terme 'pharmacie' ».
C'est dramatique. Il existe énormément de fraude aux médicaments, c'est difficile à quantifier, mais c'est très dangereux, commente Pierre-Olivier Variot, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO).
Selon l'Institut de recherche anti-contrefaçon de médicaments, 96 % des pharmacies en ligne seraient illégales ; tandis que l'Organisation mondiale de la santé estime que la moitié des médicaments vendus sur internet seraient falsifiés.
Car si certains faux sites se contentent de voler les données personnelles, médicales ou bancaires des acheteurs, d'autres délivrent réellement des médicaments contrefaits ou non régulés.
Ces faux comprimés peuvent contenir soit les bons ingrédients mais dans un dosage incorrect et particulièrement élevé, soit un autre composé actif, ou même aucune substance active.
Certains sont même contaminés par des additifs toxiques, notamment des métaux lourds ou des produits chimiques inconnus.
Et aucun produit n'est épargné. Les traitements contre les troubles de l'érection (Viagra, Cialis) sont les plus prisés depuis plusieurs années, mais certains anti-diabétiques comme l'Ozempic – très populaire sur les réseaux sociaux pour perdre du poids – sont également plébiscités.
« Des personnes peuvent vouloir éviter d'aller voir un médecin, puis un pharmacien, qui pourrait leur refuser la délivrance s'il soupçonne un mésusage », regrette Carine Wolf-Thal.
Une conséquence aux pénuries
Aujourd'hui, les tensions d'approvisionnement – comme celle que connaît depuis janvier plusieurs médicaments psychiatriques comme la quétiapine ou la sertraline – peuvent aussi attirer des patients.
« Certaines personnes sont tellement angoissées à l'idée de ne pas avoir leurs médicaments qu'elles essayent de trouver toutes les solutions possibles, quitte à adopter des comportements qui paraissent complètement aberrants », regrette Pierre-Olivier Variot.
Alors que certains acteurs voudraient simplifier la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, le pharmacien appelle l'État à « rester sur une ligne dure ».
De même, l'Ordre national des pharmaciens s'interroge sur « l'utilité » du commerce électronique quand le maillage d'officines permet d'obtenir « un médicament rapidement avec les conseils d'un pharmacien ».
La profession s'apprête tout de même à ouvrir en octobre le site « Ma Pharmacie en France ». « Un portail, pas un marketplace », insiste Pierre-Olivier Variot.
« Il ne s'agit pas de chercher un médicament et voir où s'en procurer, mais de pousser virtuellement la porte de sa pharmacie et faire une demande comme si vous y étiez physiquement », précise-t-il.
Près d'un millier d'officines disposent déjà de sites de vente en ligne, selon l'Ordre des pharmaciens.
Avec AFP
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