Notre urgentiste-exploratrice nous parle depuis la Tasmanie, où elle est actuellement en transit avant de rentrer chez elle, à La Réunion. Avec dix heures d'avance sur la France, il fait déjà nuit pour elle au moment où l'on échange.
What’s up Doc : En quoi a consisté cette mission en Antarctique ?
Claire Lenne : C’était un contrat d’environ trois mois avec l’Institut Polaire Français. L'objectif principal, c’était d'accompagner le Raid Antarctique, une énorme expédition logistique en tracteur qui traverse l'Antarctique, pour aller ravitailler en fioul et en nourriture la station Franco-italienne Concordia, qui se trouve très loin, à plus de mille kilomètres à l’intérieur des terres.
On est une dizaine à être partis de la côte, chacun au volant de son tracteur. Pendant dix jours aller et dix jours retour, on a conduit onze heures par jour, avant d’arriver à Concordia, qui est située en altitude.
Il y a d’abord eu une semaine de préparation du convoi, pendant laquelle on a équipé les traîneaux tirés par les tracteurs avec les provisions, le carburant, les pièces de rechange… tout pour faire fonctionner une station scientifique. Puis on est parti pour vingt jours d’expédition en tracteur, à environ onze kilomètres/heure...
Une fois que cette mission s’est terminée, j’ai exercé en tant que médecin dans la station française de Cap Prud’homme, qui elle n’est pas très loin de la civilisation.
Vous étiez la médecin de l’aventure, mais pas que… ?
C.L. : J’étais multi-casquettes : conductrice de tracteur en premier lieu, c’est ce qui m’a occupée la plupart du temps : environ onze heures par jour. J’ai eu une petite-formation, parce que conduire sur la neige et la glace c’est un peu technique.
Ensuite, j’ai été la cuisinière pendant le Raid. C’était des plats surgelés, donc pas non plus de la grande gastronomie. Mais je pouvais quand même agrémenter un peu, ou préparer d’autres plats plus faciles, comme des crêpes ou des crumbles.
Enfin, j’étais aussi logisticienne, puisque je m’occupais de toute l’organisation, la nourriture, les ustensiles etc. tout ce dont on avait besoin ! En fait, lorsque le convoi s’arrête, mes coéquipiers, qui sont tous mécaniciens, vont faire l’entretien et les réparations des tracteurs. Le médecin, c’est le seul dispo dans ces moments-là, donc on rentabilise son poste en le transformant en cuisinier !
« Quand le seul médecin disponible en pleine tempête saigne du nez, c’est un peu plus stressant »
Vous avez exercé dans pas mal d’endroits insolites, qu’est-ce que cette expérience a de si particulier ?
C.L. : C’était complètement différent de tout ce que je connaissais. Il n’y avait que de la neige, que du blanc à perte de vue. Sur la côte, on a vu des manchots, des phoques, des oiseaux… Mais dès qu’on passe la côte, il n’y a plus rien, plus une seule forme de vie. Mêmes les bactéries ne survivent pas.
Puis à -40°C, les conditions de soins ne sont plus du tout les mêmes
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