
© Midjourney x What's up Doc
« Le divorce est consommé » entre députés et médecins libéraux. C’est ce qu’estime dans un communiqué le SML, principal syndicat représentatif, après l’adoption par les députés d’une mesure conditionnant l’installation des médecins dans un territoire à une autorisation de l’ARS.
L’article phare de la proposition de loi transpartisane, portée par le socialiste Guillaume Garot, avait été supprimé la semaine dernière en commission, mais a été rétabli à la grande majorité mercredi soir en séance publique (185 voix contre 85). Et ce, malgré le lobbying des étudiants et l’opposition globale de la profession, et d'une partie du gouvernement.
« Une pénurie de médecins, même potentiellement régulée, reste une pénurie », a argué hier, en plein débats, le ministre de la Santé Yannick Neuder, évoquant un risque de déconventionnement des médecins ou leur départ à l’étranger, ainsi qu’une perte d’attractivité de la profession.
Son Premier ministre s’est montré lui favorable à une forme de régulation, sous réserve d’un examen collectif des solutions avec « l’ensemble des acteurs ».
Et la proposition de loi rédigée par les jeunes ?
Concrètement, en cas d’adoption définitive de la mesure, le médecin pourra, sur avis de l’ARS, s’installer librement dans une zone présentant un déficit de soignants, mais ne pourra poser ses valises dans un territoire suffisamment pourvu, que si un confrère s’en va.
« Nous sommes écœurés de voir qu’une proposition de loi aussi importante et dangereuse pour la profession ait été examinée juste avant minuit devant une Assemblée nationale bien clairsemée », a déclaré à What’s up Doc Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG. « Les députés restent dans leur idéologisme et n’écoutent pas les acteurs du terrain, ni même les collectivités ».
Du côté des représentants des étudiants en médecine, ce sont surtout les éléments de justification apportés par les parlementaires qui posent problème. « Dire que la régulation permettra à 600 000 patients d’avoir des médecins tous les ans, c’est totalement faux », estime Lucas Poittevin, président de l’Anemf. « Quand on régule, c’est une question de répartition, a aucun moment on ne nous garantit qu’il y aura plus de médecins sur le territoire à partir de l’année prochaine ».
De même que les conclusions des expériences étrangères et extra-médicales en matière de régulation – souvent avancées par les partisans de la mesure – qui montrent des résultats mitigés, voire « problématiques ».
« Les députés ont fait le choix de la démagogie » en votant une proposition « inutile (et) dénoncée par l’ensemble de la profession », a abondé le Dr Raphaël Dachicourt, président de Reagjir.
D’autant que les jeunes et futurs médecins leur avaient mâché le travail. L’Anemf, l’Isnar-IMG et Reagjir ont présenté jeudi dernier leur propre proposition de loi pour améliorer l’accès aux soins, appelant les députés à s’en saisir.
Ce texte, construit autour de 4 grands axes, met notamment l’accent sur la libération du temps médical, le renforcement de la formation universitaire dans les territoires sous-dotés et le soutien à la médecine de proximité.
« Ils n’ont pas souhaité en tenir compte, ils ne pourront plus dire que rien n’est proposé par les jeunes », a repris Raphaël Dachicourt, dénonçant une mesure « populiste ».
Un sondage réalisé en novembre 2024 par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir montrait en effet que plus de 9 Français sur 10 étaient favorables à une régulation de l’installation des médecins.
La mobilisation va reprendre
Décidés à ne pas se laisser faire, les syndicats envisagent « clairement » une mobilisation unitaire dans les prochaines semaines, qui pourrait prendre la forme d’une grève d’ampleur.
« Nous allons devoir hausser le ton pour protéger nos patients », reprend Bastien Bailleul.
Chaque organisation doit discuter en interne des modalités de la mobilisation, « mais nous serons présents », assure Raphaël Dachicourt.
Et ils sont encouragés par leurs aînés. L’UFML-S du Dr Jérôme Marty « soutiendra logistiquement et financièrement les internes et externes qui se mobiliseront », a-t-elle indiqué dans un communiqué.
L'association Médecins pour demain « restera mobilisé(e) » pour « défendre une médecine de proximité, de qualité, fondée sur la confiance et non la contrainte », a-t-elle également déclaré.
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/infographie/la-penurie-medicale-qui-la-faute-les-chiffres-qui-accusent
Les députés doivent encore discuter le reste du texte, qui prévoit notamment le rétablissement de l’obligation de participer à la permanence des soins pour les médecins libéraux. La reprise des débats est prévue pour début mai.