
Pr Patrick Pessaux.
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Pertinence et Prévention : soigner avant d’être malade
Notre système est accro au curatif, alors que la majorité des maladies chroniques pourraient être évitées avec une vraie politique de prévention. Aujourd’hui, celle-ci représente moins de 2 % des dépenses de santé. Investir dans la prévention, ce n’est pas une dépense, c’est une économie sur l’avenir.
Mais la prévention ne peut pas être cantonnée aux seuls médecins. Le logement insalubre, la malbouffe et la pollution tuent autant que les virus. Pour être efficace, elle doit intégrer :
• Une éducation à la santé dès l’école ;
• Un dépistage précoce des maladies ;
• Un accompagnement renforcé des populations vulnérables.
En parallèle, il est impératif de repenser la pertinence des actes médicaux. Faire plus de soins ne veut pas dire mieux soigner. Le financement à l’acte encourage la multiplication des consultations inutiles. Il faut sortir du “tout curatif” et financer la qualité des soins, la prévention et le suivi des patients.
Responsabilité populationnelle : penser global, agir local
La santé n’est pas qu’une question médicale, c’est le reflet des inégalités sociales. Adopter une stratégie populationnelle, c’est passer d’un système centré sur l’individu et le curatif, à une approche plus globale, avec une place proactive des patients comme réel acteur et la coordination des soins à l'échelle de la population, pour une véritable politique de bien-être et d’équité. Cela passe par :
• Une coordination réelle entre les acteurs de terrain (soignants, collectivités, écoles, associations) ;
• Des stratégies adaptées aux territoires (déserts médicaux, précarité, besoins locaux) ;
• Un soutien accru aux déterminants sociaux de la santé (logement, alimentation, emploi).
On ne peut pas parler de santé sans parler de conditions de vie. Tant qu’on laissera des millions de Français dans la précarité, aucune réforme ne sera efficace.
Transition écologique : soigner sans polluer
Les crises environnementales sont une bombe à retardement sanitaire. On ne peut pas respirer du poison et espérer rester en bonne santé. Le secteur de la santé lui-même, responsable de 8 % des émissions de CO₂ en France, doit faire sa révolution verte :
• Réduction de l’empreinte carbone des hôpitaux (bâtiments, transports, gestion des déchets) ;
• Médicaments et dispositifs médicaux écoconçus ;
• Optimisation des soins pour limiter les interventions inutiles et leur impact écologique ;
• Développement d’une logistique plus durable (circuits courts, mutualisation des ressources).
Soigner, ce n’est pas polluer. Construire un système de santé durable, ce n’est pas une option, c’est une nécessité.
Trois axes pour sortir de l’agonie
Ces priorités sont liées : prévenir, c’est économiser. Agir sur les déterminants sociaux, c’est éviter des maladies. Réduire notre impact écologique, c’est protéger notre santé.
Tribune du Pr Patrick Pessaux : « Pour une santé solidaire et altruiste pour tous ! »
Vous me direz que ce n’était pas la bonne année ! Mais ce n’est jamais la bonne année ! Alors un peu de courage, de courage politique. Réformer, ce n’est pas couper des budgets, c’est changer de vision. On ne sauvera pas notre système de santé avec des pansements budgétaires. La question n’est pas de savoir si on peut se le permettre, mais si on peut se permettre de ne rien faire.