Transformation numérique : quel impact sur le métier de médecin ?

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Le métier de médecin sera bientôt impacté par la transformation numérique, notamment par une dizaine de leviers numériques, selon une étude de la direction interministérielle de la transformation publique (Ditp) qui dessine le visage du métier dans le futur. Tout en pointant du doigt les limites d’ordre matériel ou le risque de perte de lien humain.

Transformation numérique : quel impact sur le métier de médecin ?

« La transformation numérique des métiers ne repose pas que sur des évolutions techniques subies et sur lesquelles personne n’aurait d’emprise. L’envisager et l’anticiper permet de diriger son évolution vers quelque chose de souhaitable, de l’accompagner tout en diminuant la part de crainte qui résulte de l’incertitude. »
 
Telles sont les raisons pour lesquelles la direction interministérielle de la transformation publique (Ditp) a publié une étude en deux tomes, afin de dessiner le futur visage de plusieurs familles de métiers, en tenant compte des leviers numériques susceptibles de les transformer.
 
Publié en juin 2019, le deuxième tome de l’étude s’est penché sur dix métiers. Notamment celui de médecin qui sera évidemment impacté par la transformation numérique qui pourrait lui « offrir des opportunités » tout en l’aidant dans sa pratique médicale, considèrent les auteurs de l’étude. Ceux-ci ont identifié une dizaine de leviers numériques qui pourraient à terme faire évoluer le métier du médecin, tant au niveau des tâches administratives qu’au niveau du suivi du patient, de l’intervention médicale et chirurgicale, ou de la prévention.

Téléconsultation, robots, chatbots...

Quels sont donc ces leviers numériques ? Tout d’abord, le développement de la téléconsultation, télé-expertise pour les maladies chroniques, le suivi post-opératoire ou l'hospitalisation à domicile. Mais aussi le déploiement de robots pour la chirurgie et les examens, couplés à une assistance à la visualisation dynamique à travers la fusion d’imageries médicales (robots, IA). Ou la mise en place d’agents conversationnels (chatbots) permettant de répondre aux questions fréquentes des patients ou d’assurer leur suivi à domicile après une intervention en ambulatoire.
 
Il serait trop long de lister ici tous les leviers identifiés par l’étude, mais sachez que la DITP a également listé les suivants :

- l’automatisation de la saisie des données sur les patients par des outils de RPA (comme « robotic process automation », soit l'automatisation des processus robotisés), lors des consultations notamment.
- Le développement de logiciels de reconnaissance vocale basés sur l’intelligence artificielle (IA) pour une production documentaire (compte-rendu) plus efficace et en temps réel qui pourra être remise aux patients et communiquée aux autres soignants.
- Une meilleure gestion des agendas de consultations grâce aux logiciels de gestion des RDV actuellement disponibles, ce qui permettrait de diminuer fortement le nombre de RDV non honorés.
- Le développement de l’internet des objets (IoT) pour un meilleur suivi des patients à distance (porteurs de Pacemaker, diabétiques, etc…).
- La mise en place d’un dossier médical partagé (DMP) contenant l'historique du parcours d'un patient.
- La construction de « cohortes » de patients pour la recherche clinique grâce aux outils d’analyse des données et d’intelligence artificielle.
 
À moyen terme, « le médecin pourrait se recentrer sur ses fonctions de soin et intervenir davantage de manière préventive, en s’appuyant sur un usage accru d’outils et sur une meilleure connaissance du patient », estime l’étude qui ajoute que deux visions complémentaires du médecin pourraient se développer simultanément, selon les différentes spécialités et domaines d’expertise.

Ingénieur du vivant 

Certains médecins se spécialiseraient « dans la réalisation d’actes médicaux ponctuels, fortement outillés et nécessitant une double expertise, à la fois ingénieure et médicale », si bien que le métier pourrait tendre vers celui d’un « ingénieur du vivant, à la pointe des technologies de soin du patient. » L’autre vision serait la suivante : les médecins seraient en plus grande proximité avec les patients. « Ils assureraient leur suivi continu, aidés par les outils de télémédecine et le DMP, qui leur permettraient d’accéder aux données importantes en tous lieux.»
 
Dans le futur, les médecins devraient également être de plus en plus assistés par des robots – manuels, semi-autonomes ou autonomes – dans la réalisation d’actes médicaux et chirurgicaux, poursuit l’étude. Des robots qui leur permettraient de « gagner en efficacité et d’augmenter le nombre de patients soignés. Les chirurgiens, par exemple, s’appuieraient sur des mains robotisées pour gagner en précision manuelle, ou pourraient être guidés grâce à la vision en réalité augmentée ou mixte offerte par ces outils numériques pour intervenir sur le patient. »
 
À condition toutefois que les utilisateurs de ces nouveaux outils acquièrent une double compétence. « En plus des connaissances biologiques et médicales, ils devraient apprendre à utiliser des outils et technologies de pointe, nécessitant des compétences proches de celles de l’ingénieur spécialisé en informatique, électronique ou mécanique », poursuit l’étude.

Baisse des effectifs dans certaines spécialités

Et d’ajouter que certaines spécialités médicales pourraient voir leurs effectifs diminuer sensiblement, puisqu’elles laisseraient la place à des techniques de reconnaissance d’images par l’IA. Conséquence : le médecin aurait « un rôle consistant davantage à réaliser un contrôle des analyses fournies par la machine et la prise de décision, lui donnant cette responsabilité ».
 
D’autres leviers technologiques laissent entrevoir une métamorphose de la position du médecin vis-à-vis du patient : un recentrage sur les fonctions de soin. À titre d’exemple, l’accès aux données des patients serait grandement simplifié par la diffusion du DMP du patient. Tandis que le médecin disposerait d’un pré-remplissage automatique des dossiers patients, ce qui simplifierait la saisie des datas à la fois administratives et médicales.
 
Tout cela participerait à donner plus de place à la médecine préventive. En effet, le dossier médical, en réunissant de nombreuses données sur les patients, « pourrait être couplé à des outils d’intelligence artificielle, afin de déceler les probabilités de survenance de pathologies chez le patient ». Le médecin serait alors en mesure de proposer au patient « des soins adaptés plus en amont, favorisant son état de santé, tout en optimisant, pour la société, le coût de la prise en charge médicale. »

Limites matérielles

Cela ne devrait pas vous étonner : grâce à la télémédecine, le médecin « n’aurait en effet plus besoin que ses patients se déplacent physiquement pour assurer leur suivi, les consultations à distance lui permettant de surveiller leur pathologie efficacement grâce à la multiplication d’objets connectés (prise de pouls, etc.) et à des transferts d’image fluides. » En outre, grâce à l’aide de chatbots médicaux, « il n’aurait plus besoin de répondre à toutes les questions fréquentes de sa patientèle, comme l’heure de prise de rendez-vous, ce qui lui permettrait de concentrer son attention et son temps sur les cas les plus complexes. »
 
Ok, ok, c’est bien beau tout ça, mais vous vous doutez bien qu’il y a un « mais ». Car cette vision du médecin de demain implique le dépassement de nombreuses limites, selon l’étude. Notamment des limites d’ordre matériel. Car « l’équipement des hôpitaux en technologies nécessite des investissements considérables ». Mais aussi parce que ces outils numériques devront « être acceptés par l’équipe médicale dans son ensemble, ce qui implique pour celle-ci un changement de pratiques pour intégrer ces nouveaux outils à l’exercice des missions ».

Perte du lien humain

Les auteurs de l’étude évoquent également le spectre de « la perte du lien humain », puisque les médecins seront « plus outillés », tandis que la relation médicale à distance se développera. Et de mettre en garde sur les points suivants : les outils numériques ne devront pas « obérer la relation médecin / patient », ni non plus « se substituer au savoir-faire médical ». À l’avenir, les médecins devront en effet « garder leurs compétences dans la réalisation d’actes médicaux élémentaires (chirurgie, interprétation d’une imagerie médicale) malgré la simplification offerte par le numérique ».
 
 

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