Service d’accès aux soins : 113 ou 116 117 ? Les médecins libéraux ont tranché

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Présenté le 19 décembre à la ministre de la santé, le rapport Carli-Mesnier sur les urgences et le service d’accès aux soins s’oriente sur un "numéro santé" unique. Une solution qui n’est pas du goût des syndicats majoritaires des médecins libéraux (CSMF, MG France, SML) qui plaident pour la généralisation du 116 117.

Service d’accès aux soins : 113 ou 116 117 ? Les médecins libéraux ont tranché

Numéro santé unique (113) ou 116 117 ? Une fois n’est pas coutume, les syndicats majoritaires des médecins libéraux (CSMF, MG France, SML) semblent être sur la même longueur d’onde sur la question du Service d’accès aux soins (SAS), censé résoudre le problème d’engorgement des urgences et offrir une réponse aux patients où qu’ils se trouvent. Les trois syndicats militent pour la généralisation du 116 117. À leur sauce évidemment !
 
Présenté ce jeudi 19 décembre à la ministre de la santé, le rapport Carli-Mesnier sur les urgences et le service d’accès aux soins aurait fait le choix d’un "numéro santé" unique. Un choix qui n’est pas du goût de MG France qui considère qu’il « confond urgences médicales et demandes de soins non programmés, alors que deux appels sur trois ne sont pas des urgences médicales », précise un communiqué daté du 19 décembre.
 
Le syndicat est persuadé qu’une réponse organisée en proximité par les médecins libéraux est la solution la mieux adaptée à ces demandes de soins. Si le numéro unique santé est mis en place sans réel copilotage par les médecins libéraux, « il ne s’agira que d’un 15 reformaté ». En effet, « le guichet unique évoqué par le rapport ne doit pas constituer l’élément central du dispositif de réponse aux demandes de soins non programmés, mais une simple porte d’entrée vers les organisations territoriales de proximité », poursuit le communiqué.

Les avantages du 116 117

Joint par What’s up Doc, le président de MG France, le Dr Jacques Battistoni, plaide en effet pour « ​un numéro « urgences » unique et un 116 117 à côté pour avoir un accès direct à la plateforme territoriale des médecins libéraux ». Pourquoi le 116 117 ? « Parce qu’il y a un mode d’emploi pour la population qui se mettrait en place. Cela ne sera pas la peine de créer un numéro si personne ne le connait. »
 
Deuxième avantage du 116 117 selon Jacques Battistoni : « Les soins de ville seraient organisés par les libéraux qui proposent des solutions libérales ambulatoires aux demandes de soins. C’est important que la population ne perde pas son temps en appelant un numéro consacré aux urgences médicales. Quand vous avez un enfant qui a la grippe ou de la fièvre ou une angine, ce n’est pas forcément nécessaire d’appeler le numéro dédié aux urgences médicales. Or c’est aujourd’hui ce qui se passe… ».
 
MG France milite donc pour que chaque organisation territoriale puisse « bénéficier d’une plateforme de réponse aux appels, pour informer les patients et leur offrir un rendez-vous qui réponde à leurs besoins ». Une plateforme qui disposerait nécessairement d’un accès aux plages horaires disponibles des médecins qui le souhaitent. Des organisations qui seraient « la préfiguration ou l’émanation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) dont la première mission est justement l’accès aux soins ».

Plus de thunes

Par ailleurs, la participation des médecins généralistes au service d’accès aux soins doit être valorisée, selon MG France car « partager son agenda et se rendre disponible a un coût pour le médecin » qui « doit être assumé par l’assurance maladie » avec qui le syndicat compte négocier.

Mais, « on peut crier sur tous les toits, et dire « on veut négocier », nuance Jacques Battistoni. Sauf que, pour négocier, encore faut-il qu’il y ait quelque chose à négocier, qu’il y ait du grain à moudre, de l’argent disponible pour pouvoir financer l’effection et la régulation. Or, aujourd’hui, il n’y a pas d’argent disponible pour cela ».
 
Mais alors, comment financer « ces organisations » ? Deux moyens existent selon le président de MG France. « Le premier, c’est de faire grève, et c’est que nous faisons avec les samedis noirs de la médecine générale (fermeture des cabinets le samedi matin, NDLR) initiés samedi dernier. Leur objectif prioritaire est d’obtenir des moyens pour une négociation avec l’Assurance maladie. » Une mobilisation qui a également séduit la CSMF et le SML.
 
Le deuxième moyen, « c’est d’aller frapper à la porte de ceux qui détiennent les moyens, c’est-à-dire des différents ministères, sachant bien que le ministère de la Santé ne semble pas forcément le seul endroit où il faille aller demander de l’argent, donc on frappe aussi à la porte de Bercy et de Matignon. »

Toujours des moyens 

Des moyens, toujours des moyens, jamais assez de moyens… Cet éternel problème revient également dans la bouche du Dr Philippe Vermesch, le président du SML joint par WUD, qui trouve que le 113  impliquerait « des moyens énormes ». En effet, il s’agirait de « mettre en place des assistants de régulation, de façon à ce que la gestion du médical soit déjà pré-faite. Cela veut dire qu’il va falloir former beaucoup de gens, donc cela va coûter très, très cher », avertit Philippe Vermesch qui estime que la solution du 116 117 serait « beaucoup plus simple et moins onéreuse ».
 
Autre problème du 113 selon le médecin : « Si on met en place ce nouveau numéro de santé unique, j’ai bien peur que les gens ne se donnent même plus la peine d’appeler leur médecin traitant. Donc on va peut-être se retrouver dans des parcours de soins complètement délités où les gens appelleront le 113 en se disant qu’ils n’arriveront pas à joindre leur médecin traitant. »

Verdict en janvier ? 

A l’inverse, le 116 117 est « un numéro libéral qui passe par la médecine de ville. On appelle le numéro et on tombe sur un assistant de régulation qui a tous tous les créneaux disponibles de la médecine de ville. Tandis que le 113 est un numéro global qui oriente à la fois sur les pompiers, le médico-social, la médecine ambulatoire de ville et le Samu. J’ai peur que l’on appelle un numéro pour n’importe quel motif, alors que cela aurait pû être directement la médecine libérale », met en garde Philippe Vermesch.
 
Conclusion du SML : le numéro unique n’est pas souhaitable car « sans éducation de la population, il est susceptible de constituer un encouragement à consommer du soin en toute circonstance, et il n’est pas soutenable financièrement car son fonctionnement dans des conditions optimales d’efficacité implique des ressources humaines conséquentes, un back office de régulation et un système d’information interopérable, qui n’est pas chiffré ».
 
Si tout se passe comme prévu, on devait y voir un plus clair en janvier prochain, selon Jacques Battistoni. « La ministre n’a pas pris le risque de se prononcer, sachant que l’arbitrage n’était pas fait entre le numéro santé unique et le numéro « urgence » + 116 117. Et, tant que les arbitrages de Matignon ou de l’Élysée n’auront pas été pris sur le sujet, je pense qu’elle ne se prononcera pas sur ce que doit être le SAS. »
 

SAS : la CSMF pose ses conditions
La CSMF rappelle dans un communiqué son attachement à un numéro d’identification tel que le 116 117 permettant de séparer les appels pour les services d’urgences des demandes pour des soins non programmés. Pour le syndicat, rien ne se fera sans une reconnaissance de l’engagement des médecins libéraux. En effet, actuellement, la garde effectuée pendant la journée du samedi n’est pas entièrement rémunérée pour les médecins généralistes, voire pas du tout rémunérée pour les médecins spécialistes concernés. « Cette iniquité doit cesser, et l’ensemble de la journée du samedi doit être considérée comme partie intégrante du dispositif de permanence des soins pour tous les médecins libéraux, quelle que soit leur spécialité », estime la CSMF qui invite les médecins libéraux à faire la grève des gardes du samedi à partir du samedi 21 décembre. Deuxième condition imposée par le syndicat : « le dispositif de régulation libérale doit être construit en respectant les spécificités telles que la régulation délocalisée, l’articulation avec les organisations territoriales lorsqu’elles existent, la gouvernance propre par les médecins libéraux ». Enfin, l’ensemble des actes effectués en soins non programmés, actes de consultation comme actes techniques, doit faire l’objet de tarifs revalorisés pour toutes les spécialités, selon la CSMF qui considère que « c’est à ce prix-là que les médecins libéraux s’engageront dans les dispositifs de permanence des soins permettant la prise en charge des soins non programmés. C’est à cette condition qu’ils assumeront collectivement cette nouvelle responsabilité territoriale vis-à-vis de la population concernée ».

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