RunCov, ou le test qui vient à point à qui sait attendre ?

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Rapidité, fiabilité, sensibilité aux variants… Développé par le Cirad, le nouveau test de diagnostic RunCov pourrait bien faire des émules. Concrètement, de quoi s’agit-il ? Entretien avec Emmanuel Jouen, responsable technique de l’organisme de recherche agronomique basé à la Réunion.

RunCov, ou le test qui vient à point à qui sait attendre ?

What’s up Doc : RunCov, un nouveau test diagnostic… Quelle est la genèse de ce projet ?
Emmanuel Jouen :
Dès le début de la crise, le CHU de la Réunion a exprimé son besoin de recourir à un test alternatif permettant un rendu très rapide tout en étant aussi sensible que la méthode PCR. Le CIRAD, qui dispose de compétences en santé végétale et animale notamment dans le développement de méthodes de diagnostic moléculaire, s’est alors proposé pour développer un test LAMP répondant à ces besoins. Une task-force CIRAD-Université de la Réunion-CHU s’est montée pour ce projet, rejointe peu de temps après par l’ANSES et le MNHN. Une de nos difficultés techniques majeures a été d’amplifier deux régions du génome du virus simultanément, mais nous souhaitions absolument y parvenir pour prévenir d’éventuelles mutations du virus. Considérant les variants récemment apparus, cette stratégie s’est d’ailleurs avérée payante. RunCov est capable de détecter tous les SARS-CoV-2 connus aujourd’hui et ne détecte ni les autres coronavirus ni les autres virus provoquant des symptômes proches de ceux de la Covid-19. En ce qui concerne le variant anglais, le signal obtenu est différent de celui observé pour les autres souches. Cela permet de suspecter sa présence et on peut dans la foulée utiliser un autre outil LAMP mis au point dans notre laboratoire pour confirmer son identité.  
 
WUD : Sensible aux variants, plus rapide que le test RT-PCR et presque aussi fiable… Comment ce nouveau test diagnostic fonctionne-t-il ?   
EJ : Le test se base sur la technologie AMP qui s’appuie, au même titre que la PCR, sur l’amplification moléculaire de cible(s) sur les génomes d’intérêt, c’est-à-dire une copie de ces cibles afin que la quantité de ces cibles devienne suffisante pour être détectée. RunCov est un test très sensible car il détecte le virus même lorsque la charge virale est très faible, il y a donc très peu de risques de déclarer un patient négatif alors qu’il est porteur du virus. Le test PCR de référence fait mieux mais nécessite pour cela une étape préalable d’extraction/purification de l’ARN, étape qui doit se faire en laboratoire et qui nécessite un délai important. Tout cela, le rend incompatible avec un déploiement hors du laboratoire et un rendu très rapide du résultat.
 
WUD : Récemment, le ministère de la santé a ajouté RunCov à la liste des tests disponibles. Quelles sont les prochaines étapes ? 
EJ : RunCov doit maintenant passer à l’étape de l’industrialisation afin de pouvoir être déployé à grande échelle. Avant cela, des tests pilotes seront réalisés dans le secteur aérien régional. Ce n’est pas tant le test que nous souhaitons mettre à l’épreuve, mais la logistique que les aéroports doivent mettre en place pour pouvoir l’utiliser. D’ici quinze jours, nous espérons également pouvoir réaliser un test pilote dans un CHU de la Réunion. Et dans un second temps, des expérimentations sont également prévues en métropole. Nous espérons que ce test sera déployé partout où il peut s’avérer utile.
 
WUD : À ce qu’il paraît, vous avez pour autant décidé de ne pas déposer de brevet.
EJ : Pas de brevet, mais nous le protégeons tout de même. Si nous ne souhaitons pas en tirer un bénéfice commercial, nous souhaitons avoir un contrôle sur ses futurs développements, la politique tarifaire des distributeurs ou encore les pays cibles de la distribution. Tout cela, afin d’être en accord avec le mandat et les valeurs du CIRAD.
 

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