Robots chirurgicaux : entre effet de mode et progrès thérapeutique

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Entretien avec le Pr Philippe Poignet

Robots chirurgicaux : entre effet de mode et progrès thérapeutique

Les robots chirurgicaux font régulièrement la « une » des médias grand public, mais leurs bénéfices cliniques restent encore controversés. What’s up Doc a voulu savoir où on en était, et a posé la question à Philippe Poignet, professeur de robotique et directeur du Laboratoire d’informatique, de robotique, de microélectronique de Montpellier (Lirmm, un laboratoire rattaché au CNRS et à l'Université de Montpellier).

 

What’s up Doc. En matière de robotique chirurgicale, la star incontestée est le Da Vinci de la société américaine Intuitive. Pouvez-vous nous dire à quoi il sert ?

Pr Philippe Poignet. L’un de ses domaines de prédilection est la résection totale de la prostate. C’est un geste de microchirurgie minutieux, difficile à réaliser, et qui en chirurgie mini-invasive se pratique beaucoup plus facilement avec le système Da Vinci que manuellement.

WUD. Et pourtant, beaucoup considèrent qu’il ne s’agit pas d’un robot au sens propre ?

PP. Un robot est quelque chose qui a une autonomie d’exécution.Le système Da Vinci n’a aucune autonomie d’exécution et encore moins de décision, il est entièrement manipulé par le chirurgien, qui décide de tout. On le classe donc dans les dispositifs chirurgicaux assistés par robots.

WUD. Y a-t-il des robots chirurgicaux qui méritent davantage leur nom ?

PP. Les premiers robots de chirurgie orthopédique réalisaient une partie de l’opération de façon autonome. Ils suivaient un planning défini de façon préopératoire : le chirurgien disait à quel endroit découper ou percer, et le robot exécutait.

WUD. Pourquoi parlez-vous au passé, cela n’existe plus ?

PP. Ce type de robots existe encore, mais les concepts ont évolué avec une collaboration plus étroite entre le chirurgien et le robot.

WUD. Pour revenir au Da Vinci, on discute encore pour savoir si le service médical rendu par ce robot au patient est meilleur que celui que rendrait la chirurgie traditionnelle.

PP. C’est effectivement encore une question ouverte.

WUD. Et quand peut-on espérer y trouver une réponse ?

PP. J’espère qu’à l’horizon d’une dizaine d’année, elle sera résolue.

WUD. N’y a-t-il pas un effet de mode ?

PP. Il y a clairement un effet de mode. Mais attention : dans le même temps, la robotique permet aussi de faire évoluer les pratiques chirurgicales dans leur ensemble. Elle modifie toute la salle d’opération et ouvre la porte aux nouvelles technologies dans le bloc opératoire. Toute l’équipe est formée, et l’enjeu consiste à se projeter sur ce qu’on va faire ensuite. Il ne faut pas considérer le robot tout seul, mais par exemple le robot et son système d’imagerie.

 

A lire sur le même sujet : notre papier sur le colloque sur la robotique organisé la semaine dernière au Sénat par l'Observatoire de l'hospitalisation privée, et notre interview du Pr Jacques Hubert, coordonnateur du seul DIU de robotique chirurgical en Europe.

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Propos recueillis par Adrien Renaud

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