Décidément, cette réforme des retraites a de faux airs de bombe à retardement pour les professionnels de la santé. La semaine dernière, nous vous expliquions que les syndicats de médecins redoutaient une baisse des pensions et la remise en cause du régime complémentaire. Avant de relayer le cri d’alarme de la Fédération des médecins de France (FMF) qui s’inquiète d’un éventuel « hold-up » des cotisations et des réserves des médecins libéraux.
Comme si cela ne suffisait pas, c’est désormais au tour de la Fédération hospitalière de France (FHF) de réagir aux préconisations explosives du haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR) : Jean-Paul Delevoye. Dans un courrier daté du 26 juillet, elle lui rappelle tout d’abord l’avoir informé début 2019 des caractéristiques de la fonction publique hospitalière (FPH), qui seraient les suivantes :
- des professionnels relevant de plusieurs régimes : 72% de fonctionnaires (cotisant actuellement à la Cnracl et à l’Erafp), 11 % de personnel médical, mais aussi des agents contractuels relèvant du régime général et de l’Ircantec ;
- des métiers sujets à pénibilité : 49 % des fonctionnaires hospitaliers occupaient en 2016 un emploi relevant de la catégorie active ;
- un taux de féminisation élevé : 77,6 % de femmes ;
- une part importante de professionnels à faible niveau de revenu (le revenu mensuel net médian dans la fonction publique hospitalière est de 1892 €) et à temps partiel (23 % des agents publics hospitaliers).
Or, il semblerait que le HCRR n’ait pas tenu compte de ces particularités dans ses préconisations. Sur l’épineuse question des critères de pénibilité, il prévoirait en effet la suppression du dispositif de catégorie active qui « accorde à ses bénéficiaires la possibilité de faire valoir leurs droits à la retraite cinq ans avant l’âge légal », rappelle la FHF. La disparition des autres dispositifs de départs anticipés ou de bonification sont également envisagés.
Les paramédicaux particulièrement touchés
Tout cela risquerait donc de « pénaliser les professionnels hospitaliers, et en particulier les métiers paramédicaux (aides-soignants, auxiliaires de puériculture, aides médico-psychologiques…), très féminisés », poursuit la FHF. Près de 207 000 aides-soignants et environ 61 000 agents de service hospitaliers ne pourraient plus partir à 57 ans, comme aujourd’hui, selon Le Monde, qui a relayé les propos de Mireille Stivala (fédération CGT santé-action sociale) : « Une fois de plus, les femmes seront pénalisées ».
Étrange quand on sait que le Président de la République a fait de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat. À se demander si ce n’était pas tout simplement le grand mensonge du quinquennat ! Car la mise en œuvre des préconisations « toucherait d’abord les femmes exposées à la pénibilité dans la fonction publique hospitalière, et ce alors que le maintien de spécificités pour les fonctionnaires exerçant des « fonctions dangereuses dans le cadre de missions de maintien de l’ordre et de sécurité publique » est envisagé », ajoute le courrier.
Élargissement des critères de pénibilité
Enfin, les six critères actuels du compte personnel de pénibilité « ne permettent pas de traduire la réalité du quotidien des hospitaliers », selon la FHF qui considère que « seuls le « travail de nuit » et le « travail en équipe successives alternantes » pourraient être applicables aux professionnels hospitaliers, alors que ces professionnels connaissent dans leur activité des facteurs de pénibilité et les sujétions particulières. »
Telles sont les raisons pour lesquelles la FHF demande l’élargissement des critères de pénibilité pour inclure les quatre suivants :
- l’accueil d’un public vulnérable, anxieux et parfois désorienté, voire agressif ;
- le travail en situation d’urgence vitale et en situation sanitaire exceptionnelle ;
- le piétinement et la station debout prolongée ;
- le port de charge et la manutention.
La reconnaissance de cette pénibilité permettrait « un départ anticipé significatif pour s’adapter à la diversité des métiers de la santé, notamment au métier d’aide-soignant, mais aussi aux métiers ouvriers des établissements publics sanitaires, sociaux et médicosociaux », conclut le courrier.
Jean-Paul Delevoye est désormais doublement informé. Les semaines qui viennent nous diront s’il décide de jouer la sourde oreille ou de mettre de l’eau dans son vin. En imaginant par exemple un système de primes pour compenser la perte de certains avantages, comme il l’a récemment laissé entendre.