C’est peut-être un détail pour vous, comme disait France Gall, mais, sachez que le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a remis le 18 juillet au Premier ministre ses préconisations pour l’instauration d’un « système universel de retraite plus simple, plus juste, pour tous », selon les mots du gouvernement. On appréciera la sobriété de la formule censée séduire le plus grand nombre.
Aux côtés d’ @agnesbuzyn, je remets mes préconisations pour l’instauration d’un système universel de retraite au Premier ministre. #Retraites #systèmeuniversel pic.twitter.com/ZhBQyegbga
— Jean-Paul Delevoye (@delevoye) July 18, 2019
Quelles sont les grandes lignes de cette réforme ? À quelle sauce les médecins vont-ils être mangés ? Comme nous vous l’expliquons il y a quelques semaines, le principal bouleversement de cette réforme repose sur l’harmonisation des 42 régimes de retraite existants qui seront remplacés par un système universel où un euro cotisé ouvrira les mêmes droits.
Autre changement : les Français vont désormais passer à un régime par points. La notion de trimestres cotisés sera donc remplacée par un âge d’équilibre pour le taux plein (64 ans) à partir de la génération 1963.
Assiette de cotisations à 120 000 euros
Mais c’est l’instauration d’un plafond de l’assiette de cotisations à hauteur de 120 000 euros qui inquiète le plus les syndicats de médecins libéraux. À l’image de la CSMF qui considère que le choix d’un champ de la cotisation pour la retraite universelle couvrant 3 plafonds annuels de la sécurité sociale (Pass), soit environ 120 000 €, est « trop important », dans un communiqué daté du 18 juillet.
Le syndicat milite en effet pour une retraite universelle basée sur 1 Pass et estime que les « médecins libéraux sont attachés à un socle de retraite universelle pour tous mais permettant une retraite complémentaire spécifique, par répartition, en complément de ce socle universel. »
Même son de cloche du côté du SN-MCR (Syndicat national des médecins concernés par la retraite) qui explique que le taux de cotisation jusqu’à 1 Pass est désormais fixé à 28,12 %, puis 12,94 % à 2 et 3 Pass. Conséquence : « Ces taux pour les médecins entraîneront à terme une baisse des cotisations, mais aussi mécaniquement une baisse des pensions, et une disparition progressive de la Carmf (Caisse autonome de retraite des médecins de France, NDLR) dans sa forme actuelle », conclut le SN-MCR.
Quel devenir pour l'ASV ?
Autre point d’interrogation pour le syndicat : l’Allocation supplémentaire vieillesse (ASV) qui est incluse dans le projet de retraite universelle (RU). Or, l’ASV « constitue en moyenne 35 % de la pension du médecin, avec une participation de l’assurance maladie à hauteur de 2/3 en secteur 1 et OPTAM (option pratique tarifaire maîtrisée, NDLR) ». Il s’agit donc d’honoraires différés liés au conventionnement des médecins. Or, même si le gouvernement assure que le montant de la participation des caisses restera du domaine conventionnel, « que deviendra ce régime ASV dans le futur RU ? », s’interroge le SN-MCR.
Le syndicat est d’autant plus inquiet que « les réserves de la complémentaire, constituées par plusieurs générations de médecins, évaluées à six ans de prestations seront reprises en grande partie par le RU, pour couvrir les engagements. »
En effet, une cotisation de solidarité non plafonnée est désormais instaurée, sans acquisition directe de droits à hauteur de 2,81 %. Cela signifie que « dans le taux de 28,12 % (1 Pass) il y aura 2,81 % de solidarité, dans celui de 12,94 % (2 et 3 Pass) également 2,81 %, ainsi qu’au-delà », précise le SN-MCR.
Les fourmis ne payeront pas pour les cigales
La CSMF exprime « sa désapprobation du taux de contribution de solidarité non générateur de points fixé à un niveau trop élevé (2,81 %) ». Et d’ajouter que les médecins libéraux « ont anticipé la crise démographique médicale et les évolutions défavorables pour les années à venir en constituant des réserves importantes. » Ils ne peuvent donc accepter que « les fourmis payent pour les cigales. Les réserves constituées par les médecins doivent revenir aux médecins. »
Enfin, la CSMF rappelle que la retraite « ASV » fait partie du socle conventionnel garantissant aux Français des tarifs conventionnels utilisés par tous les médecins exerçant en secteur 1. « Cette partie de la retraite des médecins doit être sauvegardée dans l’ensemble de ses caractéristiques et rester dans le cadre de la négociation conventionnelle », indique la CSMF.
Menace de mort pour les professionnels
Du côté de l’UFML-S, on se dit favorable à l’établissement d’un système universel de base à points « qui représenterait un socle de règles communes pour l’ensemble des Français ». Pour autant, « ce projet deviendrait une réelle menace de mort pour les professions de santé libérales si ce régime de base devenait un régime unique étatique, où l’État déciderait des capacités contributives et de la hauteur des niveaux de retraites des professionnels de santé. »
Le syndicat dénonce également « une atteinte sans précédent à l’exercice libéral en santé » susceptible de le « déstabiliser gravement ». Il considère qu’il « porterait un coup fatal au modèle de santé français qui repose, entre autres, sur la liberté de choix du patient de son professionnel et de son établissement de santé, sur l’indépendance professionnelle des soignants et sur l’égalité d’accès aux meilleures prestations de santé. »
Telles sont les raisons pour lesquelles il exige une baisse « très sensible » du plafond de l’assiette de cotisation, synonyme de maintien des régimes complémentaires. Mais aussi « le maintien de la démocratie sociale » dans notre système de retraites.
Sa pétition en ligne pour le maintien des régimes complémentaires a déjà recueilli, à l’heure où nous écrivons ces mots, plus de 5300 signatures.
La Carmf également inquiète |