Rapport de la Cour des comptes : l'Ordre est grave vénèr

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C'est peu de dire que le Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) n'a pas digéré le rapport de la Cour des comptes qu'il lui a consacré. Incompétence, malversation, gérontocratie, machisme... Tout y passe. Pour le Cnom, qui a répondu à ce rapport au vitriol, la Cour des Compte veut quasi mettre sous tutelle l'institution ordinale. Rien que ça. 

Rapport de la Cour des comptes : l'Ordre est grave vénèr

De mémoire de sage de la rue Cambon - où siège la Cour des compte - on n’avait pas eu droit à pareille passe d’armes depuis Mathusalem. Alors que la Cour des comptes publie un rapport au vitriol sur la gestion du conseil de l’ordre des médecins, le Cnom sort son lance-flammes et répond vertement aux accusations des gardiens des finances publiques. « Ce rapport donne le sentiment d’une volonté administrative de limiter les missions et les pouvoirs de l’institution et d’affaiblir son ancrage territorial. L’Ordre s’opposera fermement à toute tentative de cette nature. » Pas moins. 

Gérontocratie

C’est que la Cour des comptes ne mâche pas ses mots. Tout en déplorant les « problèmes de gouvernance qui rejaillissent sur la qualité de sa gestion », les auditeurs de la Cour des comptes n’y vont pas par quatre chemins pour dénoncer la gérontocratie et le machisme qui selon eux dominent à l’Ordre des médecins. « La surreprésentation d’hommes (91 %) âgés et retraités (40 %) au sein du CNOM, ainsi que la longévité des mandats exercés, ne favorisent pas la prise de conscience d’un changement nécessaire », n’hésitent-ils pas à écrire. 

À cela s’ajoute, toujours selon les rapporteurs, une incompétence crasse en matière de gestion. Du fait de la décentralisation du recouvrement des cotisations, un certain nombre d’irrégularités est apparu : « écritures comptables irrégulières, incomplètes, voire délibérément faussées ; ressources incomplètement retracées au compte de résultat ; patrimoine sous-évalué ; débordements multiples dans la gestion. »

Incompétence

Pour ce qui est de l’exécution de ses missions, les auditeurs reconnaissent que l’Ordre fait correctement son boulot quant à l’inscription des médecins au tableau, même si les outils employés pour ce faire sont surannés. Il n’en va pas de même en ce qui concerne le contrôle des obligations des médecins en développement professionnel continu ou le respect des règles déontologiques. Idem dans le domaine des liens d’intérêts des médecins avec l’industrie, où encore sur le terrain épineux de l’accès aux soins : le Cnom peut faire bien mieux, et c’est une litote. Plus grave semble être le chapitre consacré à la justice ordinale : les plaintes ne sont pas considérées comme telles, et un bon nombre d’entre elles, pour cette raison, sont classées sans suite. « L’analyse d’une cinquantaine de décisions rendues entre 2016 et 2017 (parmi une liste de 90 décisions transmises par l’ordre à la Cour) révèle l’existence d’irrégularités de procédure ou un manque de diligence dans le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel », déplore la Cour des comptes.

Une réponse en 5 pages

Le Conseil national de l’Ordre a répondu à la Cour des comptes en publiant un document de 5 pages, écrit tout petit, et signé de la main du président du Conseil national de l’Ordre, le Dr Patrick Bouet. « l’Ordre regrette que le rapport soit construit aujourd’hui comme une mise en accusation du fonctionnement de l’Institution mettant en exergue certains faits qui appartiennent à une période passée », commence ainsi la contre-offensive. Regrettant la vision parcellaire de la Cour des comptes sur les missions de l’Ordre des médecins, Patrick Bouet rappelle par ailleurs qu’un certain nombre de mesures ont d’ores et déjà été prises dans le domaine de la gestion administrative et financière : « refonte du règlement de trésorerie, instauration d’un dispositif très contraignant de contrôle de la gestion des conseils territoriaux, élargissement de la composition de la commission de contrôle des comptes avec la présence de personnalités qualifiées, suppression des fonds autonomes affectés à l'entraide et à la modernisation de l’institution ainsi qu’à l’harmonisation des charges »… Quant à certaines situations individuelles délicates, le Cnom apporte aussi ses réponses. Il est notamment question de l’ancien président du conseil départemental de l’Ordre de Rhone-Alpes qui avait pour habitude de se faire rembourser plusieurs fois ses notes de frais, ou encore celui de la sécrétaire comptable du CDOM de la Réunion, qui avait encaissé frauduleusement des chèques de cotisation. Le Cnom indique ainsi que des poursuites judiciaires ont été engagées. 

 

Au sujet du contrôle des obligation de DPC des médecins, l’Ordre rappelle que le dispositif a été revu entièrement en janvier 2016, « Mais probablement le plus grave est dans la présentation faite par le rapport de la Cour de la façon dont l’Ordre assume sa mission de gardien de la déontologie médicale, et traite les plaintes, doléances ou signalements dont il est saisi », s’étrangle Patrick Bouet. Car pour le président du Cnom, « l’ensemble des plaintes et doléances qualifiables de plaintes donnent bien lieu à instruction, et, à défaut de conciliation, à transmission aux 4 chambres disciplinaires ». En somme, « l’Ordre conteste la lecture partiale et partielle d’un rapport qui a trop peu tenu compte des éléments contradictoires apportés, donnant le sentiment d’une méconnaissance de la réalité de l’Institution d’aujourd’hui ». La messe est dite. La hache de guerre est déterrée. 

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