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Sur ses réseaux sociaux, Matisse R. donne le ton : « activisme et médecine », écrit-il en bio Instagram. Cet étudiant en quatrième année de médecine (première d’externat) a été signalé à plusieurs reprises la semaine dernière, suite à des propos à connotation raciste et des provocations à l’encontre des personnes musulmanes, d’origine maghrébine, ou perçues comme telles.
« Oui il y a trop de voilées, trop d’étrangers. Excusez-nous d’être chez nous en Europe », écrit-il par exemple sur X, en avril, alors que d'autres publications font référence, plus ou moins explicitement à la « remigration », néologisme prisé par l’extrême-droite, désignant le retour, forcé ou non, des immigrés extra-européens dans leur pays d’origine.
Une photo a particulièrement été pointée du doigt par les internautes. Le jeune homme y pose en blouse blanche et stéthoscope autour du cou, dans l’ascenseur de ce qui semble être l’hôpital de La Timone, l’un des établissements du CHU de Marseille. Il effectue un geste de la main, en apparence anodin, mais souvent détourné dans les sphères d’extrême-droite, comme un signe de ralliement à l’idéologie suprémaciste blanche.
Un geste qu’il reproduit sur plusieurs photos, dont une prise aux côtés du musicien identitaire allemand Kavalier, affilié au label Neueur Deutscher Standard (NDS), reconnu pour ses productions nationalistes, racistes et antisémites.
🔴 RACISME à l’Université Aix-Marseille : un étudiant en MÉDECINE fait des gestes nazis et appelle à déporter les noirs et arabes !
— Ilies Djaouti (@IliesDjt) April 22, 2025
Matisse R. est un fanatique de néonazis allemands.
On ne peut pas accepter ça. Il faut l’exclure ! @aphm_actu
À partager 🙏🏼 pic.twitter.com/RG4lLHUOrZ
Depuis que plusieurs de ses publications ont été repérées, Matisse R. a restreint ses comptes sur les réseaux sociaux, jusqu’à supprimer son compte X. Mais certains contenus publiés sur internet restent néanmoins accessibles.
Contributions dans des médias d’extrême-droite
Loin d’être discret sur la toile, l’externe revendique par exemple la création de Vox Europa, une plateforme visant à « offrir du contenu intellectuel » pour « nourrir la pensée de la jeunesse européenne ». Sur sa page auteur, on peut lire : « Matisse R. (…) est engagé dans la vie sociale et politique en Corse, en Bretagne et, au-delà, dans toute l’Europe (…) en plus d’étudier la médecine dans le sud de la France ».
Le jeune homme de 24 ans écrit aussi pour le site internet identitaire Breizh-info, régulièrement mis en cause pour diffusion de fausses informations, et largement décrit comme un « relais de la propagande d’extrême droite ». Il y publie des entretiens avec des figures de l’ultra-droite française et européenne, comme celui du 7 avril avec Martin Sellner, identitaire autrichien notoire.
Qualifié par plusieurs journaux de « néo-nazi », Martin Sellner avait fait l’objet d’une enquête en 2020 pour ses liens supposés avec le terroriste Brenton Tarrant, auteur de l’attentat contre deux mosquées de la ville de Christchurch (Nouvelle-Zélande) en 2019.
Militant sur le terrain
Ilies Djaouti, lanceur d’alerte sur internet, connaissait déjà Matisse R. en raison de sa « proximité avec l’extrême-droite franco-allemande », mais ignorait sa situation étudiante. C’est en découvrant, mardi 22 avril, la photo du jeune homme dans l’ascenseur qu’il a décidé d’alerter l’AP-HM, puis la faculté, explique-t-il à What’s up Doc. « Comment peut-on laisser un néonazi devenir médecin ? », a-t-il interpellé sur son compte X.
Car Matisse R. ne se contente pas de relayer les personnalités de la fachosphère, il semble également impliqué dans le militantisme de terrain.
Il est par exemple membre du groupuscule identitaire breton « An Tour-Tan », avec lequel il s’est rendu en juillet 2024 à Vienne (Autriche), pour participer à une manifestation en faveur de la « remigration », regroupant le gratin de l’extrême-droite européenne. Il écrira d'ailleurs plus tard : « en tant que bon médecin, je prescris une manifestation remigration mensuelle à tous les Européens ».
C’est aussi sous l’identité de ce groupe qu’il a publié, le même mois, une tribune de soutien au magazine d’extrême-droite allemand Compact, récemment interdit par le gouvernement fédéral, accusé d’« attiser la haine contre les Juifs, les personnes issues de l’immigration et la démocratie parlementaire ».
« Au regard de prises de position contraires à l’éthique médicale, un danger spécifique est à craindre pour les patients d’origine maghrébine, qui pourraient être exposés à des discriminations ou à une prise en charge biaisée s’il venait à exercer », a écrit sur X la plateforme de signalement Tajmaât, qui se présente comme « défenseuse des Maghrébins », et dit également avoir transmis un signalement à l’université.
La commission disciplinaire de l’université a été saisie
Camille*, qui a côtoyé le jeune homme en deuxième année de médecine à Aix-Marseille, se souvient de son « positionnement politique à l’époque déjà très assumé » à l’extrême-droite, et de ses propos « racistes, misogynes parfois » qui ont « vexé plus d’une personne ».
« Quand on discutait, ça partait vite dans les tours (…) même si on se convainquait qu’il disait ça pour rire », explique-t-elle à What’s up Doc, précisant que, « comme beaucoup », elle a rapidement pris ses distances avec l’intéressé.
« Je ne pense pas qu’il y ait eu de signalement car on en n’a jamais entendu parler ailleurs que dans notre groupe d’amis. Mais si la fac a été alertée, alors c’est sûr qu’elle n’a rien fait », a ajouté Camille.
Conformément au code de la Santé publique, les principes déontologiques s’appliquent aux étudiants en médecine dans toutes les activités liées à la santé. Ce qui justifie une vigilance éthique à leur endroit, de la part des universités.
Contactée par What’s up Doc, l’université d’Aix-Marseille affirme en effet ne pas avoir reçu de signalement avant le 24 avril, et s’être « saisie du dossier dès qu’(elle) en a eu l’information ». Elle précise également avoir saisi la commission disciplinaire, et rappelle qu’elle « condamne avec la plus grande force tout propos discriminatoire, raciste antisémite ou haineux ».
Quant à Matisse R., il évoque auprès de What’s up Doc des publications et photos « tronquées », qui ne « reflète(nt) pas l’intégralité de (s)on propos », affirmant par ailleurs « soigner tout le monde, sans distinction d’idées, d’origines ou d’actes ».
Concernant la photo dans l’ascenseur, il nie faire un geste à connotation suprémaciste, justifiant un signe « spontané », « signifiant que tout allait bien ». « Toute interprétation politique qui en serait faite est totalement erronée », a-t-il ajouté, déclarant n'avoir « aucune proximité, ni de près ou de loin, avec des idéologies néonazies ».
Le jeune homme n’a en revanche pas fait de commentaire sur son appartenance au groupuscule « An Tour-Tan », sur ses fréquentations, ou encore sur ses contributions dans les médias et plateformes mentionnés.
*Le prénom a été modifié
Quelle lâcheté la réponse de l'intéressé en fin d'article ! Ne même pas reconnaitre l'évidence.