"Ce texte est la première victime collatérale" de la décision annoncée dimanche soir par le président de la République, Emmanuel Macron, après la victoire historique de l'extrême droite aux européennes, a commenté lundi auprès de l'AFP son rapporteur Olivier Falorni (groupe MoDem).
"Je suis attristé de l'arrêt brutal de ce qui allait être la grande loi de société de cette décennie, c'est très décevant", a-t-il lâché.
Changer la loi sur la fin de vie, qui actuellement n'autorise ni suicide assisté ni euthanasie, était l'une des promesses de campagne du chef de l'État.
Après des mois de tergiversations au sein de l'exécutif, le projet de loi sur ce sujet hautement sensible avait été présenté au conseil des ministres en avril. Début d'un long processus d'examen législatif, qui aurait dû prendre environ 18 mois.
Vendredi, les députés avaient approuvé les critères ouvrant le droit à une aide à mourir.
Des déceptions et un espoir que cette volonté politique de l'aide à mourir ne disparaisse pas
En l'état actuel, le projet de loi examiné en première lecture le réservait aux personnes de plus de 18 ans, françaises ou résidant en France. Selon le texte, retouché dans l'hémicycle, elles devaient souffrir d’une "affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale", cette dernière provoquant une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable.
Elles devaient également être aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée, les députés écartant la possibilité d'inscrire le recours à l'aide à mourir dans les directives anticipées.
"On était près du but", a regretté Olivier Falorni, rappelant que le vote solennel du projet de loi à l'issue de la première lecture était prévu le 18 juin.
"Cela fait des mois qu'on est plongé dans ce débat, et cela s'arrête d'un seul coup", a réagi Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Évoquant un sentiment de "sidération", elle a notamment rappelé un "consensus sur la nécessité de développer en France les soins palliatifs". "J'espère que cette volonté politique ne va pas disparaître", a-t-elle ajouté, tout en rappelant son opposition à l'aide à mourir approuvée par l'Assemblée nationale qui laissait notamment, selon elle, "beaucoup trop de pouvoirs aux soignants".
Du côté de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), on évoque un "immense gâchis". "On était à neuf jours d'un vote historique, c'est une déflagration", se désole son président Jonathan Denis.
Une crainte que l'extrême droite mette fin au projet de loi sur la fin de vie
"Je pense à toutes celles et ceux qui se battent depuis tant d'années pour permettre aux malades de choisir leur fin de vie et se réveillent ce matin avec la gueule de bois, avec des illusions perdues", poursuit-il.
Le président de l'ADMD souhaite "rencontrer dès aujourd'hui (lundi) les chefs de parti pour qu'ils puissent se positionner de façon très claire sur leur engagement à poursuivre les discussions".
"Le débat s'arrête, dans le meilleur des cas, ça ne sera qu'une pause, mais encore faut-il que le projet de loi soit de nouveau mis à l'ordre du jour, or ce n'est pas sûr du tout", commente aussi auprès de l'AFP Martial Breton, l'un des participants à la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Cette convention, voulue par Emmanuel Macron, avait réuni de décembre 2022 à avril 2023 des Français tirés au sort pour réfléchir à un changement de législation sur la fin de vie. "Il y a beaucoup de déception de voir tout cela terminer à la poubelle", déplore-t-il.
Avec de nouvelles élections législatives, les 30 juin et 7 juillet, "tout le travail mené en auditions, commission spéciale et en séance risque de passer par pertes et profits", s'inquiète Olivier Falorni. Surtout, estime-t-il, si les élections débouchent sur "une majorité pour l'extrême droite, c'en sera définitivement fini de la loi sur la fin de la vie", les députés de cette mouvance y étant majoritairement hostiles.
Avec AFP