Prescription : quand les médecins disent non aux infirmiers

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L’entrée en vigueur de l'arrêté d'application de la loi Rist, qui confère de nouveaux pouvoirs de prescription aux infirmiers en pratique avancée (IPA), ravive des tensions anciennes. Le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) s’oppose fermement à ce texte, qu’il estime aller « au-delà de l’esprit de la loi », tandis que de nombreux infirmiers dénoncent un corporatisme d’un autre âge.

Prescription : quand les médecins disent non aux infirmiers

© Midjourney x What's up Doc

Adoptée en mai 2023, la loi Rist sur « l'amélioration de l'accès aux soins » visait notamment à élargir les compétences des IPA pour faire face à la pénurie médicale. Son décret d’application, publié en juin 2025 après deux ans de retard, autorise désormais ces professionnels à pratiquer la primo-prescription dans certains cas définis : antalgiques de palier 1, arrêts de travail de courte durée, prescriptions pour l’hypertension légère ou le diabète de type 2 non compliqué.

Mais cette avancée a suscité une levée de boucliers du côté du Cnom. Lors d’une réunion au ministère de la Santé le 6 juin, son président François Arnault a annoncé son intention de saisir le Conseil d’État, dénonçant un texte qui porterait atteinte à la qualité et à la sécurité des soins. « La primo-prescription, c’est très compliqué. Le diabète et l’hypertension, c’est pour les médecins », martèle le Dr René-Pierre Labarrière, président de la section Exercice professionnel du Cnom dans Le Point.

Des accusations de paternalisme et de corporatisme

Du côté des infirmiers, l’irritation est palpable. Gaëlle Cannat, présidente du Collectif des infirmières libérales en colère, dénonce le comportement de l’Ordre des médecins : « À chaque fois que nous obtenons une avancée, ils se mettent en travers de la route, comme un papa qui dirait à sa petite fille : “C’est pas bien”. On en a assez de ce vieux schéma paternaliste », toujours dans Le Point.

Même tonalité chez Emmanuel Hardy, président de l’Union des IPA, qui souligne le caractère complémentaire de ces nouveaux rôles : « Il n’est pas question pour nous de prendre la place des médecins, mais de faire un travail complémentaire »

Il dénonce un « faux procès en corporatisme » et rappelle que l’Ordre s’était déjà opposé à d’autres délégations de tâches, comme la vaccination par les pharmaciens pendant la crise Covid.

Un vrai clivage même entre les médecins

Même au sein du corps médical, la position du Cnom ne fait pas l’unanimité. Si certains y voient une dérive mettant en péril la qualité des soins, d’autres, notamment parmi les jeunes médecins ou ceux en zone sous-dotée, y voient une évolution nécessaire. « Le ministère de la Santé est allé trop loin », estime un médecin dans Marianne, tandis qu’un autre, au contraire, juge que « c’est la moindre des choses si on veut désengorger les cabinets ». Un clivage réel. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/reforme-du-metier-dinfirmier-ne-va-pas-remplacer-le-medecin-ou-empieter-sur-ce-quil-fait

Derrière cette querelle corporatiste se cache une urgence bien réelle. Selon une enquête Ifop publiée le 10 juin pour Qare, 76 % des Français estiment que l’accès aux soins s’est détérioré ces dix dernières années. La députée Stéphanie Rist, à l’origine de la loi, rappelle dans le Point que les IPA sont formés, qualifiés, et que leur rôle doit être reconnu : « Ce débat montre qu’on a beaucoup de mal à faire évoluer les pratiques des métiers de santé en France. Or c’est tout à fait nécessaire ».

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