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Sur 30 « événements indésirables graves », dont 12 mortels, qu’il est accusé d’avoir volontairement provoqués dans deux cliniques entre 2008 et 2017, la cour d’assises du Doubs en a examiné 16 depuis le début de ce long procès le 8 septembre.
Et parmi eux, neuf résultent d’un acte malveillant, a admis l’accusé au fil des audiences, tout en maintenant qu’il n’a rien à voir avec ces faits. Il reste 14 cas suspects à examiner d’ici à la fin du procès le 19 décembre.
Comment expliquer un arrêt cardiaque, phénomène normalement exceptionnel lors d’une opération ? Par le hasard, un choc allergique, un syndrome rarissime, ou l’injection volontaire d’un produit toxique ?
Les débats devant la cour tournent parfois au casse-tête médical. D’autant que l’enquête judiciaire a démarré près de 10 ans après les cas les plus anciens, si bien que certains éléments de preuve – seringues, flacons ou poches de perfusion – n’ont pas été conservés.
Conséquence : si certains experts appelés à la barre concluent à l’empoisonnement, d’autres sont moins catégoriques, une faille que la défense tente d’exploiter.
Un procès sous tension
« Qu’est-ce que ça vous coûte de reconnaître un empoisonnement ? », s’est agacé le 22 octobre Julien Vernet, avocat d’une patiente victime d’un arrêt cardiaque en 2012. « Il y a d’autres théories à mettre en avant », a rétorqué Frédéric Péchier.
Parfois, la position de l’accusé semble floue, comme sur cet arrêt cardiaque en 2011, où il a d’abord admis à la barre la piste malveillante, puis est revenu, moins d’une heure plus tard, à celle d’un choc allergique. À la présidente qui lui fait observer ce revirement, il concède : « alors je l’ai reconnu, si vous voulez ! » « Ça n’a pas d’importance », tranche son avocat Randall Schwerdorffer.
Dans plusieurs cas cependant, la défense admet explicitement la réalité d’un acte malveillant. L’accusé, qui au début de l’enquête jugeait « totalement aberrante l’idée de polluer une poche », a expliqué qu’il avait finalement été convaincu par les explications des experts.
« Je suis convaincu qu’il y a un empoisonneur dans cette clinique, j’en suis certain », confie aux journalistes Randall Schwerdorffer. « La seule question que je me pose toujours, c’est : qui est-ce ? », ajoute l’avocat, qui a tenté d’orienter les débats vers un autre coupable possible, l’anesthésiste Sylvain Serri.
« Le masque tombe »
L’accusation et les parties civiles voient dans la nouvelle position de l’accusé une incohérence.
Pour l’avocate générale Christine de Curraize, c’est parce que Frédéric Péchier s’est senti « acculé » qu’il a consenti à ce revirement partiel.
« Le masque tombe », analyse Frédéric Berna, qui défend plusieurs parties civiles. L’accusé, selon lui, « se sent obligé de reconnaître » la piste de l’empoisonneur dans les cas où « il n’a pas réussi à faire disparaître les poches (de perfusion) qui sont les armes du crime ».
« Il nous a promis pendant 8 ans et demi qu’il allait démontrer qu’on racontait n’importe quoi, que c’était des accidents (...), et puis au fur et à mesure de ce dossier, il reconnaît quasiment deux empoisonnements sur trois. Donc la crédibilité de l’accusé, elle est totalement partie en fumée », fustige-t-il.
Pour la défense, en revanche, Randall Schwerdorffer met en garde contre un « procédé intellectuel assez tordu », voire « machiavélique », qui consisterait à dire que « si Frédéric Péchier ne reconnaît pas les empoisonnements, c’est qu’il est l’empoisonneur ».
Un empoisonneur, observe l’avocat, dont les motivations restent mystérieuses, aucune des deux thèses avancées par les enquêteurs n’étant crédible à ses yeux : ni celle d’un « pompier pyromane » qui s’en prendrait à des malades pour voler ensuite à leur secours, ni celle d’un médecin qui empoisonnerait des patients pour nuire à certains collègues.
Pour l’avocat de l’ex-anesthésiste, « on n’est peut-être pas sur la bonne personne ». « C’est peut-être aussi pour ça qu’on a tellement de difficultés pour trouver des mobiles à Frédéric Péchier ».
Avec AFP
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