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« Rien n’est prêt », « un affichage politique », « un pansement qui ne suffira pas » : les réactions des soignants du Vaucluse résument bien le scepticisme qui entoure l’annonce du gouvernement. Depuis le 1er septembre, 151 intercommunalités classées en « zones rouges » doivent pouvoir accueillir des médecins généralistes volontaires, appelés à venir exercer jusqu’à deux jours par mois pour soulager les déserts médicaux. Mais sur le terrain, l’enthousiasme est mesuré, voire absent.
Rien d’opérationnel, par exemple, dans le Vaucluse
Dans le département, trois zones ont été identifiées comme prioritaires : le plateau de Sault, l’enclave de Valréas et les alentours de Bollène. Mais pour les médecins et infirmiers locaux, impossible d’imaginer un déploiement rapide.
En Vaucluse, rien n’est prêt, aucun médecin supplémentaire n’est annoncé, dénoncent les professionnels de santé sur Ici Vaucluse. Le syndicat MG 84 fustige même un « affichage politique ». Sur le terrain, la docteure Patricia Blanquier, infirmière à Lapalud et présidente du comité médical de territoire Rhône Lez Provence, va plus loin : « Je ne crois pas que ce soit la solution. C’est un petit pansement pour répondre à l’instant T… La solution n’est pas viable dans le temps. »
À Carpentras, le docteur Sébastien Adnot, porte-parole du syndicat MG, s’inquiète du manque de préparation, toujours sur Ici Vaucluse : « La solidarité entre territoires, ça ne nous pose aucun problème. Mais il faut que les moyens suivent derrière. Comment va s’organiser la liste des volontaires ? Qu’est-ce qui permettra la continuité des soins ? Pour l’instant, il n’y a rien de prêt. »
Un volontariat contraint ?
Le dispositif repose sur la « solidarité territoriale » : des médecins en activité, remplaçants ou jeunes retraités peuvent se porter volontaires pour assurer des consultations dans ces territoires. La rémunération annoncée : 200 euros par jour, en plus des actes facturés.
Mais la formule suscite de vives critiques dans la profession : « La médecine libérale de proximité repose sur la patientèle, la confiance, le suivi dans le temps. Là, on nous propose simplement de la médecine de supermarché », estime le Dr Roger Rua sur BFMTV.
Même constat du côté associatif : « Aucun médecin ne va accepter d’aller dispenser des soins à un patient qu’il ne reverra pas et dont il ne saura pas la suite de la consultation », regrette Laure Artru, présidente de l’association Citoyens contre les déserts médicaux.
Un problème massif, des réponses partielles
Le gouvernement met pourtant en avant des chiffres ambitieux : jusqu’à 30 millions de consultations pourraient être assurées chaque année dans les zones prioritaires. Mais le décalage entre les annonces et la réalité reste criant.
En 2024, 6 millions de Français n’avaient pas de médecin traitant et 87 % du territoire était classé en désert médical, selon le ministère de la Santé. Les disparités sont criantes : Paris compte près de 77 médecins pour 10 000 habitants, quand Mayotte en compte 8.
Le principe de solidarité territoriale, défendu par la ministre Catherine Vautrin, veut « garantir l’accès aux soins dans un esprit de fraternité ». Mais pour beaucoup de soignants, l’idée risque surtout de déplacer le problème : « Déshabiller Paul pour habiller Jacques ».
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/deserts-medicaux-que-pensent-les-medecins-du-plan-bayrou
Vers une extension… ou un essoufflement ?
Le dispositif est présenté comme une « phase pilote » avant une extension en 2026. Les ARS sont chargées de lever les obstacles logistiques et administratifs, tandis que les médecins volontaires peuvent s’engager au maximum deux jours par mois.
Mais pour le docteur Adnot comme pour Patricia Blanquier, l’urgence est ailleurs : « pérenniser les installations », « alléger la charge administrative », « redonner de l’attractivité » à l’exercice dans ces zones. En clair, pour tous : sans une politique de fond, les renforts solidaires ne seront qu’un pis-aller.
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