Pr François Dalmas s’est engagé dans la médecine pour « comprendre de quoi » il allait mourir. C’est auprès de ceux qui vont bientôt mourir qu’il a passé la plus grande partie de sa carrière. « Le boulot que j'ai fait toute ma carrière de médecin est extraordinaire. Accompagner des fins de vie est un privilège extrêmement gratifiant ! », affirme-t-il. Après une brève expérience de médecin généraliste, François Damas devient réanimateur au CHU de la Citadelle, à Liège en Belgique. En 2000, il est nommé chef du service des soins intensifs « dans un contexte de crise ». « Deux de mes confrères avaient été inculpés d'assassinat pour une fin de vie qui avait été accompagnée de manière anormale selon le parquet », raconte-t-il. Si ses pairs sont finalement blanchis, François Damas reste « toujours très en colère », vingt-cinq ans après cette « procédure exagérée et disproportionnées ».
Voilà pourquoi en 2002 François Damas accueille avec beaucoup de soulagement les trois lois belges sur la fin de vie. Elles apportent enfin, selon lui, des « précisions en termes juridiques » qui permettent aux médecins « d'affronter les cas de fin de vie difficiles ». Avec la loi sur le droit du patient, qui lui permet de refuser des traitements ou de faire des directives anticipées, « c'est le patient qui décide et non plus le docteur », salue-t-il. La deuxième loi sur les soins palliatifs permet une sédation profonde et continue jusqu'au décès, dans les cas où les souffrances sont « réfractaires ». Enfin, la troisième loi autorise l’euthanasie « dans certaines conditions comme une maladie grave, incurable, et une souffrance inapaisable. La demande doit être claire, autonome, sans pression extérieure », récite religieusement François Damas.
Une consultation pour parler d’euthanasie… mais pas seulement
Ces trois lois, le médecin les connait sur le bout des doigts et les explique avec soin à ses patients lors des consultations de fin de vie du CHU de la Citadelle, que François Damas a créées en 2014 et continue d’assurer à 70 ans. « Lorsque les lois de 2002 se sont appliquées progressivement, des personnes qui étaient confrontées à des demandes d'euthanasie et qui n'étaient pas à l'aise avec cette demande se sont tournées vers moi », raconte-t-il.
« J’ai d’abord répondu aux demandes de mes confrères et de patients sur la fin de vie de manière informelle. J’ai voulu formaliser la chose en créant cette consultation sur la fin de vie ».
« Les personnes qui viennent me voir ne viennent pas uniquement pour l'euthanasie », précise-t-il. Les patients qu’ils rencontrent ce jour-là au CHU de Liège veulent surtout se renseigner sur les options qui s’offrent à eux pour leur fin de vie. « Si j’ai besoin de vous tant pis, au pire je vous aurais. Si je n’ai pas besoin de vous, tant mieux ! », lui lance en plaisantant une jeune grand-mère atteinte d’une grave infection pulmonaire incurable. « Je n’ai trouvé que ma fille pour m’accompagner vous voir. Ni mon fils, ni mon compagnon ne voulaient entendre parler de cela ». Quelques minutes après, François Damas accompagne une octogénaire qui réclame une « piqure pour s’endormir », quand le moment sera venu, dans la rédaction de ses directives anticipées. Puis, le médecin s’étonne devant un homme de 60 ans qui affirme ne plus avoir « goût à rien » à cause de douleurs chroniques. « Vous avez une impression subjective catastrophique et vous présentez diamétralement autrement », lui glisse-t-il avant de lui indiquer que sa demande d’euthanasie est trop « prématurée ».
Bien réussir sa (fin de) vie
Quant aux patients qui viennent demander une euthanasie, François Damas commence par leur expliquer la procédure. « Ces personnes ne viennent pas pour construire la phase terminale. Je prends souvent le rôle du médecin qui donne un deuxième ou troisième avis pour attester qu’elles sont dans les conditions », détaille-t-il. En Belgique, il faut l’avis de deux médecins pour autoriser une euthanasie quand la mort est prévisible à brève échéance, et de trois quand ce n’est pas le cas. Après cet avis, il y a « encore à construire la dernière phase qui permettra l'accomplissement d'un geste dans des conditions correctes pour que ce dernier soit transformé en un véritable acte de soin », insiste François Damas. Il veille à ce que ses patients « construisent leur dernier parcours de vie », non seulement avec les médecins mais aussi avec leur entourage. « Il faut que ce soit une vraie expérience partagée avec vos proches qui vienne clôturer votre dernier parcours de vie. Il faut essayer d’y mettre le plus de sens, de liens et de positivité si je puis dire… Certaines personnes savent faire ça, pas toutes, loin s’en faut ! ».
Pour résumer le plus grand enseignement de sa longue carrière, le médecin belge cite Confucius : « Le jour où tu es né, tu pleurais et tout le monde riait autour de toi. Fais en sorte que le jour de ta mort, c'est toi qui ris et que tout le monde pleure autour de toi ». La loi en Belgique a permis à beaucoup de malades de réaliser cette maxime, selon lui, grâce à de meilleurs soins palliatifs et à la pratique de l’euthanasie. « On voit des patients qui disent au revoir avec le sourire en disant "Docteur, on y va, c’est fini !" Bien sûr que tout le monde pleure un peu autour mais pas lui », affirme-t-il, la voix tremblante. « Quand j'évoque des euthanasies, j'ai les larmes aux yeux très vite. Il ne faut pas été impressionné. Ma capacité de maîtrise n'est pas suffisante à cet égard », balaie-t-il dans un sourire.
Je tire mon chapeau aux médecins des différents pays ayant déjà légiféré et qu accomplissent ce dernier soin, ce geste d'humanité qu'est l'aide médicale à mourir. Je regrette qu'en france, les soignants qui aident soient dans l'illégalité avec tous les risques que cela signifie !