L'avocate Jacqueline Herremans, qui est également membre de la Commission fédérale de contrôle des euthanasies, souhaite cependant que cette "loi équilibrée" évolue pour offrir une solution aux personnes atteintes de démence progressive, comme la maladie d'Alzheimer.
Quel est le principal changement apporté par la loi du 28 mai 2002 pour les patients atteints d'une maladie incurable dont les souffrances sont inapaisables ?
Jacqueline Herremans : Elle a permis à une personne qui entre dans les conditions de connaître un accompagnement à la mort serein. La possibilité d’être entouré des siens avec le fait qu’on se prépare à l'euthanasie mais qu’on prépare aussi les proches. Des rituels peuvent être préparés comme des poèmes ou de la musique choisis par le patient. On est passé de la mort solitaire à la mort solidaire.
La « sédation profonde et continue jusqu'au décès » (loi Claeys-Leonetti de 2016) du droit français, empêche cette communication jusqu'au dernier moment entre le patient, les personnes qu'il a choisies pour l'accompagner, le médecin.
Connaissez-vous le nombre de demandes d'euthanasie ?
J H : Nous ne disposons que des déclarations d'euthanasie communiquées par les médecins à la Commission (2700 en 2021) mais selon les études menées aux Pays-Bas ou en Flandre, on peut penser que sur dix demandes, trois vont jusqu'à leur terme. Souvent on constate qu'il suffit que la demande soit entendue pour que le patient soit rassuré sur sa fin de vie.
L’euthanasie prévue par cette loi n’est pas un but en soi. Je peux vous citer l'exemple assez exceptionnel d'un homme jeune qui était en demande alors qu'il était atteint de troubles psychiatriques. L'ordre des médecins préconise la consultation au minimum de deux psychiatres. Ils lui ont proposé de modifier complètement son traitement. Il a retrouvé une qualité de vie et aujourd'hui il ne la demande plus. Sans la loi, il n'aurait peut-être pas bénéficié de cette assistance, de cette écoute. Il aurait peut-être été enclin à faire le choix du suicide.
La déclaration anticipée prévue par la loi doit-elle être améliorée ?
J H : En 2021, moins de 1% concernait des euthanasies sur la base d'une déclaration anticipée. Les personnes doivent être dans un coma dépassé, dans un état végétatif. Pour la personne atteinte d'une démence progressive comme l'Alzheimer, il n'existe pas de solution à l'heure actuelle, sauf à demander l'euthanasie tant qu'elle dispose encore de moments de lucidité. On peut en effet ne plus être conscient de soi-même sans pour autant être inconscient de manière irréversible. Il faudrait, comme aux Pays-Bas, que la personne puisse préciser dans sa déclaration anticipée les conditions dans lesquelles elle souhaiterait que l'euthanasie soit pratiquée. Par exemple lorsqu'elle ne reconnaîtrait plus ses proches.
Avec AFP