Portrait de passerellien (bonus) : Énora attaque médecine avec un bac L

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Alors que certains luttent avec la Paces, d’autres se battent pour raccrocher vers les études de médecine. C’est le cas d’Énora, qui s’était orientée vers des études littéraires, et qui a travaillé pendant une dizaine d’années pour rattraper son rêve : devenir médecin. Work in progress

Portrait de passerellien (bonus) : Énora attaque médecine avec un bac L

Une petite erreur d’orientation et de jeunesse, et c’est une vocation qui s’envole. Cette erreur, Énora l’a commise, et elle aurait pu la tenir éloignée d’une carrière pour laquelle elle s’est éprise : celle de médecin. C’était sans compter sur sa ténacité. Il lui aura fallu dix ans pour raccrocher le wagon, mais elle est désormais de retour sur les rails.
 
L’erreur de jeunesse d’Énora, c’est de n’avoir pas su avant 20 ans qu’elle voulait faire médecine. Un bac L en poche en 2005, sans trop savoir quoi faire, elle a décidé de se diriger vers une matière qu’elle aimait : l’histoire. « J’adorais l’histoire, mais je ne voulais pas être prof, ni documentaliste, donc cela limitait mes choix », se rappelle-t-elle.

Tu n’y arriveras jamais

À l’occasion d’un problème de santé qui l’avait plongée dans le monde médical, elle a eu une révélation. « Je me suis dit : "Ça me plait, c’est ça que je veux faire" ». Et c’est alors qu’a débuté un parcours du combattant : après une remise à niveau bac S avec le Cned (non validante), elle s’est vu refuser son admission en Paces, les primo-bacheliers étant prioritaires. « Profil pas assez scientifique, ça ne va pas le faire », lui a-t-on rétorqué.
 
« Je me rappelle qu’en allant présenter mon dossier, la secrétaire n’avait pas voulu le prendre. Elle l’a ouvert, a vu "bac L", l’a refermé immédiatement et m’a dit que ça n’était pas la peine. J’avais 20 ans, j’étais impressionnée mais j’ai quand même insisté. Au final, elle avait raison… J’étais vexée, et je l’ai pris comme un défi ! »  Un défi auquel il a fallu s’accrocher pendant des années, en faisant face aux conseils décourageants des autres étudiants, des conseillers d’orientation ou des profs qui lui susurraient à l’oreille qu’elle n’y arriverait pas.

Licence, master… doctorat ?

En plan B, Énora avait postulé en école d’ostéopathie. Filière qu’elle a suivie, aimée, et pratiquée quelques années, mais qui ne la comblait pas totalement. Trop « strictement mécanique » pour elle. En se renseignant, elle découvre les admissions passerelles et veut tenter sa chance… Mais il faut un master, et les écoles d’ostéo, niveau LMD, c’est zéro.

Heureusement, certaines facs proposent une équivalence L3, et la jeune ostéopathe parvient à s’inscrire à un master de biomatériaux, biomécanique et biomédical à la faculté d’odontologie de Reims.
 
Un master, de la motivation, des connaissances anatomiques et paramédicales en poche… Tout est bon pour que son dossier soit accepté ! « J’ai présenté une première fois la passerelle dans une université du sud de la France en 2016… et je n'ai pas été prise ». Deuxième tentative à Reims l’année suivante… Et là, le sésame, enfin ! « Dans mon deuxième dossier, j’ai insisté sur la difficulté que j’attendais des études, et pas sur "Je veux faire médecine, je veux faire médecine". Tout le monde veut faire médecine, mais il faut un plan, ne serait-ce que financier, pour tenir la route. Je pense que ça a joué ».

Passerelle, c’est la facilité

La Bretonne d’origine, Sudiste pour l’ostéopathie, intègre donc une promotion de carabins en deuxième année de médecine dans le Champenois, à 30 ans. Sans connaître encore sa spécialité de cœur, elle a déjà quelques pistes compatibles avec sa formation d’ostéo, convaincue que l’ostéopathie bien faite peut être utile dans un parcours de soins : médecine générale, pédiatrie, gynécologie ont pour l’instant quelques faveurs. Elle sait en revanche qu’elle exercera en libéral.
 
Voilà donc deux ans qu’Énora étudie la médecine. Deux années presque à l’aise sur les matières cliniques, à s’accrocher sur la biochimie et la biophysique (mais vierge de tout rattrapage !). Avec un bac L, sans avoir passé la Paces… Le regard des autres peut être lourd. « Il y a un peu de syndrome du survivant de la part des anciens de Paces, dont certains se demandaient ce que je faisais là ». Ils avaient l’impression que la passerelle était la voie facile, et que pour faire médecine, il faut nécessairement « en chier ».
 
Pourtant, « sur 120 dossiers, seulement 18 ont été retenus », soit un pourcentage de réussite comparable à une première année de médecine. « C’est vrai, nous n’avons pas cette année de travail intense, mais notre parcours est différent. Et finalement, il y a un regard assez positif sur nous, passerelliens, sur notre démarche ». Quelques mois auront suffi à convaincre l’essentiel des étudiants : le naturel chaleureux et les connaissances d’Énora auront fait effet.

32 ans et toutes ses dents

Et la différence d’âge ? « Je ne suis pas si vieille que ça, quand même ! », s’amuse-t-elle. « Déjà, tous les étudiants n’ont pas dix ans de moins que moi ! Je vais moins aux soirées médecine, mais pour le reste, quand on est ouvert et réceptif, ça se passe très bien. Pour moi, en fait, c’est même plutôt un avantage d’avoir dix ans de plus. On a plus de caractère pour moins se laisser faire ! » Au moment d'entamer l'externat, ça peut servir.
 
Premier bac L à avoir décroché le master de sciences dans sa fac, puis la seule dans sa promo de médecine : Énora est fière de son parcours, et répond aux félicitations par un « c’est loin d’être terminé » souriant et réaliste. Motivée, enjouée, tenace et avec les pieds sur terre : la passerellienne sera sûrement un bon médecin.
 
« J’espère que mon témoignage pourra aider quelques personnes », conclut-elle.
 

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