Plus de femmes scientifiques à la Une !

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En moyenne, seulement un quart de femmes scientifiques sont interrogées dans les médias, versus 75% d’hommes. Comment impulser plus de parité ? La Journée Sciences et Médias du 29 janvier réfléchissait à cette question, autour d’un panel d’expertes. 

Plus de femmes scientifiques à la Une !

La crise Covid-19 a vu très majoritairement des hommes médecins et scientifiques défiler sur les plateaux télé et radio et mis en avant dans la presse écrite. Ainsi, sur le mois de janvier 2021, la journaliste Cécile Michaut, qui a mené l’enquête « Un mois de femmes scientifiques dans la presse », note « un manque de parité massif ». La journaliste a patiemment recensé les citations d’hommes et femmes scientifiques dans 7 journaux et voici le ratio hommes/femmes : dans « Sciences et Avenir » 76%-24% ; « Sciences et vie » 79-21% ; « La Recherche » 62-38% ; « Pour la Science » 60-40% ; « Le Monde » 68-32% ; « Le Figaro » 77-33% ; « Libération » 71-29%. Une sur-représentation masculine dans des titres de tous bords. Par ailleurs, elle a constaté que dans certaines thématiques comme la 5G, l’épidémiologie et les bactéries, les journalistes sollicitaient des hommes à 100% ! Autre biais intéressant : les hommes journalistes interrogent très massivement des experts de sexe masculin, tandis que les femmes journalistes sont beaucoup plus paritaires dans leurs sollicitations.
 
« Femmes expertes invisibles », selon Karine Lacombe
La parole masculine serait-elle la seule crédible et rassurante en cette période de crise généralisée ? Le Pr Karine Lacombe, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, invitée à participer à cette journée, n’est pas loin de le penser. « De nombreuses femmes expertes sur le Covid-19 sont restées dans l’ombre ces derniers mois. La crise sanitaire a encore plus mis en évidence cette invisibilité des femmes expertes en France ». Alors, comment être mieux identifiée par les journalistes ? « Quand on nous propose une prise de parole, je pense qu’il faut la prendre et la garder. Si nous n’occupons pas le terrain, nous ne pourrons pas nous plaindre après de ne pas faire passer nos messages. Plus nous serons nombreuses et plus le caractère « normal » du discours d’une experte sera reconnu. Nous avons beaucoup travaillé pour arriver à ce niveau d’expertise. Nous devons avoir confiance en nous autant que nos collègues masculins sur un sujet identique. Il faut arrêter avec l’autocensure et le sentiment d’imposture ! », estime le Pr Karine Lacombe.  

Comment inverser la tendance ?
La responsabilité des directeurs de rédactions et rédacteurs de chef est centrale. « Pour nous, l’une des solutions majeures est de comptabiliser les femmes expertes citées dans les articles, dans chaque rédaction. Cela reste moins contraignant qu’un quota », souligne Léa Lejeune, journaliste et présidente de « Prenons la Une ». Point de départ de la création de cette association, il y a six ans : la sous-représentation des femmes journalistes aux postes de direction et d’éditorialiste, ainsi que leurs salaires plus faibles que leurs homologues masculins, à compétences égales. Tout ceci ayant bien sûr une influence sur les contenus, en majorant le prisme masculin.
Selon la sociologue Clémence Perronnet, cette distorsion prend sa racine dès l’enfance. « Presque tous les coffrets scientifiques pour enfants sont destinés à des garçons et dans les musées, les femmes sont peu représentées dans l’histoire des sciences », prend-t-elle pour exemples.
Certes, certaines initiatives récentes incitent à un peu d’optimisme, comme la création de fiches Wikipedia « Femmes de sciences », le succès d’un film comme « Les Figures de l’ombre » ou l’inscription dans le guide des expertes. Mais les perspectives offertes par la tant décriée Loi de programmation de la recherche 2021-2030 sont bien sombres. Selon le Haut conseil à l’égalité Hommes-Femmes, cette loi ne propose « pas d’approche du genre dans la recherche, ni d’objectif prioritaire pour attirer les jeunes filles vers les sciences ».

 

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