Médecin roumain cherche lieu d’exil, désespérément

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#WUD38 : La chasse aux docteurs

Médecin roumain cherche lieu d’exil, désespérément

Le contexte économique, social et sanitaire pousse de nombreux praticiens roumains à chercher l’aventure à l’étranger. Et comme le monde est bien fait, des recruteurs viennent régulièrement leur proposer des offres en Europe de l’Ouest lors de « foires aux docteurs ». What’s up Doc a assisté à l’une d’entre elles.

A Bucarest, la Sala Palatului n’est pas précisément un but habituel de promenade le week-end. Non pas que l’endroit soit excentré : il se situe à deux pas du centre historique de la capitale roumaine. Mais l’énorme édifice à l’architecture très marquée par le stalinisme rappelle trop de mauvais souvenirs aux habitants : il a été construit par Ceausescu qui, aux heures les plus sombres de sa dictature, avait l’habitude d’y prononcer ses discours-fleuve.

Et pourtant, en ce beau samedi d’avril, une petite foule de trentenaires se presse dans ce lieu de sinistre mémoire. Leur point commun ? Ils sont médecins, ou plutôt, pour la majorité d’entre eux, internes. Et ils sont venus voir si un avenir meilleur ne les attendait pas en dehors de leur pays d’origine. En couple, en famille, entre amis, ils scrutent les opportunités que leur présentent des recruteurs travaillant pour des établissements français, allemands, britanniques, scandinaves…

Un boulot facile

Car ce jour-là, à Bucarest, est un jour de foire aux docteurs. L’entreprise Careers in White, originaire de Cluj-Napoca, dans l’ouest de pays, a rassemblé 29 exposants à la Sala Palatului : tapis derrière leur table aux côtés de posters promettant monts et merveilles aux candidats, ces chasseurs de tête guettent leur gibier. Mais le vocabulaire cynégétique est ici quelque peu hors de propos. Plutôt que de braconniers à l’affût, les recruteurs ont plutôt l’air de commerçants qui attendent le chaland. Tranquillement, patiemment, et sans la moindre angoisse. On les comprend, car leur tâche est plutôt aisée.

« La Roumanie est un bon endroit pour trouver des médecins », confie Detlef Scheuermann, recruteur bavarois présent sur la foire. Et pour cause : les médecins y sont formés en abondance, mais ils ne trouvent pas de poste qui les intéressent et ils sont sous-payés. Voilà de quoi donner des allures de pont d’or à n’importe quelle proposition d’expatriation à l’Ouest.

Les travaux d’Hercule

Et pourtant, ce jour-là, peu de médecins roumains sont repartis de la Sala Palatului avec un contrat signé en poche. L’objectif de l’événement est plutôt de permettre aux recruteurs de faire une belle moisson de CVs. Car l’identification du candidat n’est que la partie la plus aisée de leur travail. Ensuite commence le parcours du combattant : procédure d’inscription à l’Ordre du pays hôte, cours de langue, intégration sur place…

La plupart des internes roumains présents sur la foire aux docteurs sont pourtant prêts pour ces travaux herculéens. « Nous sommes tous en colère contre ce gouvernement qui est incapable de gérer les choses correctement », confie une jeune orthopédiste. « Il y a ici un climat de haine contre les médecins », ajoutent deux futures spécialistes de médecine physique et de réadaptation.

Bref, tout se passe comme si les autorités faisaient de leur mieux pour décourager les médecins roumains d’exercer chez eux. Et en ce samedi de printemps, alors que la Sala Palatului fermait ses portes, une seule chose était sûre : elle les rouvrirait bientôt pour accueillir une autre foire aux docteurs, tant l’envie d’expatriation semble grande dans la médecine roumaine.

Source:

Adrien Renaud

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