Loi de prolongation de l'urgence sanitaire : la fin du secret médical ? 

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La loi de prolongation de l'urgence sanitaire crée un ficher qui réunira un certain nombre d'informations sur les patients atteints de Covid19. Des institutions et syndicats s'inquiètent d'une large violation du secret médical. 

Loi de prolongation de l'urgence sanitaire : la fin du secret médical ? 

Après le vote par le Parlement ce 9 mai du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, le Conseil national de l’ordre des médecins ont (Cnom) s’est alarmé des menaces qui pèsent sur le secret médical. En effet, la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire prévoit entre autres choses la création d’un fichier problématique aux yeux du Cnom : « Des données à caractère personnel concernant la santé relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être traitées et partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées, dans le cadre d’un système d’information créé par décret en Conseil d’État et mis en œuvre par le ministre chargé de la santé. »
Ce sytème d’information devrait permettre de suivre les personnes infectées et de repérer les cas contacts. À cette fin, des brigades sanitaires doivent être mises en place, dès ce 11 mai, pour faire du suivi épidémiologique. Olivier Véran, ministre de la Santé, a ainsi défini l’organisation de ces brigades, devant le Sénat la semaine dernière. « Un premier niveau serait constitué de médecins libéraux, médecins de terrain. Un deuxième niveau serait assuré par des salariés de l’assurance maladie, soit environ 3000 personnes, qui s’occuperaient du suivi de ces malades et un troisième niveau serait constitué par des salariés des agences régionales de santé, dans les zones actives de contamination. »
En tout et pour tout, ce sont quelque 100 000 personnes qui seraient amenées à participer à ces brigades, ce qui pourrait poser un problème en matière de respect du secret médical, si des informations médicales étaient remises entre les mains de personnels non médicaux. « L’Ordre, garant de la protection du secret médical, qui protège les patients, avait invité le Gouvernement à confirmer que celui-ci serait pleinement respecté dans le cadre des « brigades sanitaires ».
Or, les précisions indispensables n’ont pas été apportées à cette heure, ni dans les amendements du projet de loi pour la prorogation d’urgence sanitaire ni dans les déclarations de l’exécutif », s’inquiète le Cnom dans un communiqué. 

Le Cnom n’est pas le seul à se poser des question, quant aux violations du secret médical, qu’implique la mise en place des brigades sanitaires.
Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes a (SNJMG), dans un communiqué cinglant, dénonce de manière générale la restriction des libertés individuelles depuis le début de l'épidémie, et s’inquiète de la loi de prorogation de l’urgence sanitaire qui inclut un « projet de traçage des patients infectés et des sujets contact avec constitution de deux fichiers centralisés, d’une durée d’un an maximum, alimentés de données personnelles (de santé ou non), nominatives, fournies essentiellement par les médecins généralistes, « le cas échéant sans le consentement des personnes » et gérés par des personnels administratifs initialement non assermentés ».
Ce projet, s’offusque le SNJMG, a été annoncé aux médecins généralistes par un simple courriel du directeur de l’assurance maladie, le 30 avril dernier, pour une mise en application à compter du 11 mai. Malgré des modifications apportées par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) ce projet « repose toujours sur les atteintes aux droits des personnes et sur une remise en cause du secret médical ».
Ainsi le SNJMG tient « à exprimer son opposition à un projet gouvernemental de traçage qualifié de « police sanitaire » par Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale et président du Conseil pour l'éthique de la recherche et l'intégrité scientifique de l'Université Paris-Saclay »
Last but not least, l’Académie nationale de médecine a dénoncé la mise en place de ce fichier qui attaque deux droits fondamentaux : « il permet la circulation de données de santé, le cas échéant hors le consentement des intéressés » et « il introduit une nouvelle dérogation au secret médical."
 

L’Académie propose, pour remédier à ces lacunes, d’informer très largement les patients sur ce dispositif et de faire en sorte que « toute personne informée de son infection Covid-19 (puisse) s’opposer à la transmission des informations le concernant, sans que ce choix n’ait de conséquence sur sa propre prise en charge médicale ».

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