Fermer des lits hospitaliers, c’est mal, en ouvrir, c’est bien. Voilà le discours que les politiques de tous bords aiment à répéter, à grand renfort de déclarations fracassantes et de sanglots dans la voix. Mais les soignants, eux, savent bien qu’en matière de literie hospitalière, rien ne ressemble moins à un plumard qu’un autre plumard. Ce qui amène une foule de questions existentielles : quels lits au juste faut-il ouvrir ? Comment fixe-t-on les capacités hospitalières ? Et au fait, qu’est-ce qu’un lit ? Autant d’interrogations que, sans se planquer sous son pieu, le dernier épisode du podcast Aux bons Soins affronte en compagnie de Jean-Paul Ségade, qui préside le Cercle de recherche et d’analyses sur la protection sociale (Craps).
Cet ex-directeur d’hôpital, qui a notamment été à la tête de l’Assistance publique – Hôpitaux de Marseille et du CHU de Clermont-Ferrand, le souligne : les chiffres sont là, mais il faut s’en méfier, car, rappelle-t-il, « la statistique est la première forme du mensonge ». Ainsi, alors que 80 000 lits d’hospitalisation complète ont été supprimés en Médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) en 20 ans, Jean-Paul Ségade invite à regarder aussi les 30 000 places qui ont été ouvertes Hospitalisation de jour (HDJ), sans parler de celles qui ont été créées en Hospitalisation à domicile (HAD). Des nouvelles formes de prise en charge qui compensent une partie de la baisse tant décriée : sur une période donnée, elles peuvent accueillir davantage de patients que les lits d’hospitalisation complète, soutient-il.
Lucidité
Mais le président du Craps, s’il relativise le catastrophisme ambiant qui verrait dans les fermetures de lits actuelles un symptôme de l’effondrement du système, n’est pas non plus homme à se réjouir de la situation présente. Lui aussi demande des ouvertures de lits, mais pas n’importe lesquels : des lits de soins de suite, des lits de long séjour, etc., qui permettent selon lui de fluidifier les parcours hospitaliers. L’ex-DG est cependant lucide : la situation actuelle du marché du travail chez les soignants ne permet pas d’espérer des créations massives dans un avenir proche.
Est-ce à dire qu’il faut baisser les bras ? Ce serait mal connaître Jean-Paul Ségade, qui estime que notre pays peut s’en sortir s’il résout deux de ses carences les plus aigües : un manque de flexibilité d’une part, et un manque de territorialité d’autre part. Deux mots qui ne sont bien souvent, dans le langage des politiques de santé, que le cache-misère de l’impuissance… mais pas pour l’invité d’Aux bons soins. Celui-ci met derrière ces termes un contenu bien concret… même s’il risque de ne pas plaire à tout le monde. Pour savoir lequel, ça se passe dans votre casque ! Bonne écoute….