L’Intérim médical : les réponses à 7 questions qui fâchent

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« 4000€ pour 24 heures de garde : c’est le tarif le plus élevé observé. Ce n’est pas la moyenne heureusement mais les tarifs de l’intérim n’ont jamais été aussi hauts », avoue Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF. Du côté des directions hospitalières, en revanche, c’est l’omerta. WUD répond aux questions auxquelles personne ne veut répondre.

 L’Intérim médical : les réponses à 7 questions qui fâchent

Sur les six établissements contactés par What’s up Doc, (AP-HP, CHU Reims, Hospices civils Lyon, CHU Nantes, CH Sables d’Olonnes, CH St Nazaire) seul un a accepté de répondre à nos questions, et encore sous couvert d’anonymat. Pour les autres, les réponses laconiques se suivent et se ressemblent : « La direction nous a demandé de ne pas répondre aux questions des journalistes sur l’intérim » ou « Nous n’avons recours que marginalement (ou pas du tout) à l’intérim ». Objet de critiques et polémiques régulières, l’intérim médical est redevenu un sujet ultra-sensible depuis les déclarations de Martin Hirsch sur « la drogue douce de l’intérim ». Un grand flou persiste sur les tarifs pratiqués, le nombre de médecins intérimaires et le niveau de recours des établissements publics et privés. Le point sur ce que l’on sait.

-1 Combien y a-t-il de médecins intérimaires ?

La DGOS ne répond pas à nos questions sur ce point ; l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran avait pourtant annoncé en octobre 2021 « une cartographie de l’intérim »… Où en est ce projet ? Mystère. Le dernier rapport officiel date de 2013. Piloté par Olivier Véran alors député socialiste, il évaluait à l’époque le nombre de médecins intérimaires à 6 000. Selon les déclarations plus récentes de Quentin Hénaff, responsable adjoint du pôle Ressources humaines de la FHF, il y aurait entre 5 et 10 000 médecins intérimaires. Une estimation large, sachant que certains médecins ne travaillent qu’en intérim quand d’autres cumulent un poste de PH à temps partiel ou complet et des missions d’intérim en complément.

-2 Quelle situation cet été ?

« Actuellement nous ne parvenons à servir que 40% de la demande contre 60% les années précédentes. Les demandes des hôpitaux sont de plus en plus à très court terme, parfois la veille pour le lendemain », indique Stéphane Jeugnet, directeur général d’Appel Médical. Ce leader de l’intérim médical, qui compte 171 agences sur le territoire, 3 000 établissements publics et privés parmi ses clients, revendique 450 000 personnels médicaux et paramédicaux dans ses listings. Les profils les plus recherchés ? Toujours et plus que jamais cet été des urgentistes, encore des anesthésistes réanimateurs, mais aussi des gériatres, psychiatres et obstétriciens. Sans oublier bien sûr des infirmières et aides-soignantes.

-3 La crise Covid a-t-elle changé la donne ?  

Oui, elle a boosté le marché. « Depuis la crise Covid, de nombreuses infirmières et aides-soignantes ont quitté leur temps plein pour ne faire que de l’intérim. Cette tendance s’observe aussi un peu chez les médecins mais ils ont plutôt tendance à cumuler temps plein ou partiel + intérim ou retraite + intérim », souligne Stéphane Jeugnet.
« Après avoir subi une pression énorme sur leurs épaules, un certain nombre de soignants veulent choisir leurs jours et horaires de travail, ne pas se sentir liés à un établissement si ça se passe mal et gagner plus en faisant moins d’heures » indique Wael Alaya, directeur adjoint agence Vitalis Médical Paris Nord-Est. Une façon de souffler et de retrouver une vie personnelle.

-4 La loi Rist est-elle appliquée ?

Très peu en réalité. Selon une enquête réalisée par la Conférence nationale des directeurs de centre hospitaliers auprès de ses membres à la mi-mai, et dont le Monde a eu des éléments (mais que la CNDCH a refusé de nous communiquer !), 83% des centres hospitaliers continueraient à passer outre la loi Rist et feraient appel « de gré à gré » (contrats de vacation) à des médecins dans quasiment toutes les spécialités.
Pour rappel, la rémunération liée à l’intérim médical est théoriquement plafonnée par décret à 1 170 euros bruts/24 heures depuis le 1er janvier 2018 en application de la loi dite « Rist ». Mais devant les difficultés des hôpitaux à attirer des médecins à ce tarif, Olivier Véran avait reculé à l’automne 2021, annonçant que le plafond s’appliquerait progressivement en 2022.
Le problème de fond est que ce niveau de rémunération est jugé non-attractif. « En anesthésie-réanimation, il y a toujours eu beaucoup de médecins intérimaires mais ils sont moins nombreux. L’encadrement des tarifs a dû faire fuir un certain nombre d’entre eux, comme des pré-retraités qui se sont dit que ça ne valait plus le coup. Idem pour ceux qui faisaient ça en plus de leurs obligations de service », pointe le Dr Emmanuelle Durand, présidente du SNPHARE. Du côté des agences d’intérim, on a observé une baisse de 20 à 30% du nombre de candidats quand le décret est entré en application. « Avant, on était à 1200€ net la garde de 24h ; avec le plafond Rist on est passés à 970€ net. Quand la FHF est montée au créneau et que le ministère a annoncé qu’il desserrait le plafond, des candidats sont revenus », confirme Stéphane Jeugnet.

-5 Quels sont les tarifs réels de l’intérim médical ?

Alors là… c’est le grand écart complet entre le tarif « Rist » de 970€ net pour 24h de garde et les 4000€ observés par la FHF dans de rares cas ! Si ce tarif hallucinant semble exceptionnel, « il est encore possible de négocier jusqu’à 2500€-3000€ pour une garde de 24h », souligne le Dr Emmanuelle Durand. Les directions hospitalières ne s’en vantent pas…
Selon l’agence Vitalis Médical, « les médecins intérimaires gagnent en moyenne 30% de plus que les titulaires, voire 40 à 50% pour certaines missions ». Des chiffres impossibles à vérifier, un problème soulevé par la FHF : « Aucune régulation n’est possible. Ces entreprises nous répondent que leurs tarifs relèvent du secret de la concurrence. Nous sommes face à un mercato », indique Zaynab Riet pour la FHF. Alors que la FHF estimait le surcoût de l’intérim autour de 500 millions d’euros en 2013, il serait plus proche du milliard aujourd’hui.   

-6 Et avec les contrats « de gré à gré » ?

Les tarifs négociés par les médecins vacataires directement avec les directions, via des contrats « de gré à gré », donneraient lieu à des rémunérations supérieures à celles de l’intérim. Ce que nous confirme la directrice des affaires médicales d’un établissement hospitalier, qui a préféré garder l’anonymat : « Jusqu’à il y a deux ans, nous faisions des contrats de gré à gré avec des médecins, mais ce n’est plus possible depuis que les établissements du GHT ont passé un marché avec 3 agences d’intérim. Nous trouvons souvent nous-mêmes des médecins disponibles, mais nous passons ensuite par l’agence pour le contrat et le bulletin de paie. Nous respectons les plafonds Rist en rajoutant juste une astreinte pour rester attractifs. Nos intérimaires sont payés environ 500€/jour. Avec le gré à gré, certains anesthésistes négociaient 800 à 1000€/jour ».

-7 Quel impact dans les hôpitaux ?

« La loi Rist fait peser la responsabilité financière et juridique de l’intérim sur le seul directeur d’établissement. Or ce dernier n’a pas de marge de manœuvre puisqu’il a la responsabilité d’assurer la continuité des soins. Les hôpitaux se retrouvent dans un dilemme impossible : soit fermer des lits faute de médecins, soit les maintenir ouvert en ayant recours aux intérimaires », expose Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF.
Du côté des équipes, l’intérim peut semer la zizanie. « La confrontation à l’intérim induit des clivages au sein des équipes. Il n’y a rien de plus délétère que d’avoir d’un côté des PH qui remplissent l’ensemble de leurs missions ; de l’autre, des praticiens intérimaires qui reçoivent des rémunérations beaucoup plus élevées -certes en faisant souvent bien leur travail- mais sans s’investir », pointe le Dr Pierre Chanseau, chef du pôle des Urgences au CH Pau.
Prochain volet de notre série d’articles sur l’intérim : des témoignages de médecins.
 

 

 

 

 

 

 

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