Le virtuel au service de la virtuosité chirurgicale

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Les nouvelles technologies sont en train de changer l'apprentissage et la pratique de la chirurgie, à tous les niveaux : de l'enseignement de l'anatomie à la pratique même de la chirurgie. Une évolution en marche, vers plus de sécurité et d'efficacité.

Le virtuel au service de la virtuosité chirurgicale

La connaissance de l’anatomie reste l'un des fondements de la formation médicale. Mais finis les énormes grimoires remplis de dessins avec des coupes sagittales, longitudinales, agrémentés d'annotations manuscrites ; avec la promesse de nœuds dans le cerveau pour comprendre comment l’ensemble s’articule. La 3D vient maintenant au secours des étudiants, avec des logiciels accessibles gratuitement de chez soi, aussi bien sur ordinateur que sur tablette ou smartphone, avec la possibilité de tagger les différentes structures pour réviser. Il existe même une option 3D passive ou active (avec lunettes) sur télévision ou vidéoprojecteur. De quoi rendre les cours beaucoup plus interactifs et efficaces, car les étudiants les préparent de chez eux, ou de n’importe où. Pour Antoine Tesnière, directeur du département de Pédagogie médicale iLumens*à Paris-Descartes, « on est en train de revisiter la façon dont on enseigne, il y a un changement profond des relations entre enseignant et étudiant. Grâce à l’évolution des technologies le contenu est à disposition un peu partout, contrairement à avant où l’enseignant était le seul détenteur du savoir. » Pour lui, la première étape de l’acquisition des connaissances est de plus en plus interactive, avec une inversion des rapports, car les étudiants deviennent de plus en plus actifs grâce aux forums de discussion, aux MOOC**, à la possibilité d’accéder à toutes sortes d’informations. La deuxième étape, plutôt destinée à la pratique et à l'acquisition de compétences, est grandement facilitée par la simulation et les serious games qui permettent de faire des erreurs sans conséquences.

Pour faciliter l'apprentissage des techniques de chirurgie, Luc Soler, directeur recherche et développement de l'Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) a développé une plateforme Web éducative gratuite spécialisée en chirurgie mini-invasive : WebSurg. On y trouve des films d’opérations de toutes sortes, agrémentés de reconstructions 3D des différentes structures d’intérêt. Voilà un nouveau moyen pour les étudiants d’apprendre l’anatomie et la chirurgie. Une solution beaucoup plus efficace que de se pencher timidement par-dessus l’épaule du chirurgien au bloc (avec une réelle perte de chance pour les plus petits étudiants…) et surtout adaptée pour une transmission à grande échelle ! En effet ces films peuvent être projetés en amphi, commentés par un chirurgien, et être débattus avec les étudiants.

Mais les avantages ne s’arrêtent pas là pour la chirurgie. Grâce aux progrès de l’imagerie, il est possible de créer un avatar en 3D de son patient, avec ses caractéristiques spécifiques pour faciliter la planification de l’opération de manière plus sécurisée, et faire gagner du temps. Certaines chirurgies, qui n’auraient pas pu se faire sans l’identification d’une variante anatomique ou d’un calcul plus précis de la volumétrie, deviendront réalisables.

Si on couple cette technique avec une imprimante 3D, on obtient… un modèle sur lequel s’entraîner (un atuthentique Docteur Maboul pour chirurgiens). Et quand il s’agit de passer à l’opération proprement dite, la réalité virtuelle devient réalité augmentée. Explications de Luc Soler et le logiciel Visible Patient :  « Il permet de voir en transparence, en projetant sur ce qu’on peut voir (la peau, les tissus conjonctifs…) les structures cachées qu’on cherche à identifier. La réalité virtuelle nous a permis de construire une carte, la réalité augmentée nous donne accès à une sorte de GPS pour se diriger en temps réel dans le corps du patient ».

Car la 3D est en train de devenir 5D : prenant en compte les évolutions des structures avec la respiration du patient et les changements de position, grâce à un scanner mobile autour du patient et permettant de fournir des images au cours de la chirurgie, mais aussi grâce aux informations détaillées et fonctionnelles d’un organe : territoires de perfusion, innervation…

L’étape suivante est encore plus surprenante. C’est l'automatisation : l’utilisation de robots pour effectuer certains gestes prédéterminés par les chirurgiens. Car une fois que le logiciel a identifié les structures, il est facile de lui faire exécuter des gestes répétitifs, plus sécurisés qu'une main humaine. « Tous les leaders du domaine, les sociétés d’instruments chirurgicaux, Johnsson, Medtronic, Intuitive Surgical, et même Google, s'intéressent de près à la robotique automatisée grâce au guidage par l’image car c'est la pierre angulaire de la chirurgie à venir. »

La chirurgie franchit déjà les portes d'un exercice nouveau : nouvelles formations, nouvelles techniques, nouveaux outils, et nouveaux partenaires robotisés…

* Laboratoire universitaire médical d’enseignement basé sur les technologies numériques et de simulation.
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