Le retard diagnostic

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La faute n’est pas toujours là o`u on l’attend, plus que la prudence, la vigilance doit être mère de sureté, à l’écoute de tous les détails du parcours de soin des patients.

Le retard diagnostic

En 2005, en région parisienne, un établissement hospitalo-universitaire a été condamné à indemniser Paul*, âgé de 13 ans au moment des faits, pour la perte d’un testicule. Une « perte de chance évidente » conclura l’expert en charge du dossier, non véritablement par erreur diagnostique mais par « manque de prudence » et « dysfonctionnement dans l’organisation des services ».

LES FAITS

AU COMMENCEMENT_ Paul apprend, en début d’après-midi, alors qu’il consulte aux urgences pédiatriques, qu’il a une « probable appendicite aiguë » qui se manifeste par une sémiologie peu franche avec essentiellement des douleurs abdopelviennes brutales, sans autre signe associé. Ni l’ASP, ni l’échographie abdominale n’apportent d’arguments patents pour renforcer le diagnostic. « Par prudence », selon les propos du chirurgien de garde, l’intervention d’appendicectomie est programmée le soir même avec l’accord signé des parents de Paul.

LORS DU RASAGE_ Paul ressent pour la première fois une vive douleur testiculaire droite sans qu’elle soit communiquée au thérapeute. Les heures passent et… le processus suit son cours et jusqu’à la réalisation de l’opération qui appendicectomise un organe sans doute sain.

DÈS LE LENDEMAIN MATIN_ Paul, malgré un traitement prolongé par morphine, se plaint de nouveau d’une (récidive) de douleur testiculaire droite qui n’est communiquée aux équipes médicales qu’en fin de journée. Les analyses histologiques précoces de la pièce opératoire rendent comptent rapidement de l’absence de signe d’inflammation appendiculaire. Alerté de cette conclusion et des douleurs itératives testiculaires, un autre opérateur examine de nouveau l’enfant. Il est alors 18h et la torsion testiculaire ne fait aucun doute. Le nouveau chirurgien requiert l’intervention d’un spécialiste de chirurgie infantile et engage le transfert de Paul vers un établissement pédiatrique pour une prise en charge chirurgicale en urgence.

C’EST DANS LA NUIT_ que Paul est alors réopéré d’une torsion du cordon spermatique droit à 1h du matin, soit 7h après la réalisation du diagnostic, soir trop tard pour permettre de sauver l’organe qui nécessite alors un geste d’orchidectomie.

L’EXPERTISE

L’expert en charge du dossier a souligné différents points de dysfonctionnement avant de conclure.

TOUT D’ABORD_ l’appendicectomie en urgence dans ce contexte clinique a été caractérisée de discutable, selon lui. Si le diagnostic d’appendicite était envisageable, l’intervention très rapide, le soir-même, l’était moins. Le chirurgien indiquant lui-même qu’il s’agissait d’une mesure « prudentielle », et qu’aucun signe d’appendicite n’était objectivé, il aurait dû être établi un lien entre une forte douleur et l’absence d’autres éléments cliniques (fièvre, défense…) pour envisager d’aller au-delà des investigations et pousser davantage le raisonnement clinique.

SECONDAIREMENT_ l’absence de palpation testiculaire initiale, elle-même, sur une douleur abdominale d’enfant est préjudiciable. On note parallèlement des erreurs de niveau organisationnel. L’absence de transmission sur le premier épisode douloureux testiculaire au rasage constitue un autre élément de remise en cause de la chaîne de soin. À cela se rajoute que l’administration secondaire de morphine aurait pu atténuer les symptômes et concourir encore plus au retard diagnostic. Sur ce point, l’expertise aussi discutera des indications de l’usage de morphinique chez un enfant de 13 ans, dont la prescription n’est pas très habituelle en de telles circonstances.

ENFIN_ l’expertise se questionne sur le fait « qu’il était, dans cet établissement, possible de faire une appendicectomie mais pas une détorsion testiculaire, alors que les deux prises en charge sont des gestes d’urgence ? Ou, du moins, pourquoi le caractère infantile du sujet n’apparaît pas un problème pour l’appendicectomie quand il l’est, tout à coup, pour la torsion, conduisant de fait au transfert ? » Et enfin, quand un diagnostic de torsion est finalement posé, pourquoi des mesures de transfert d’urgence ne sont-elles pas mises en place pour permettre une réalisation du geste d’exploration testiculaire et de détorsion. Des questions qui demeurent, à l’issue de l’expertise, sans réponse car les raisons n’apparaissaient pas dans le dossier et l’expert n’a pu rencontrer les chirurgiens concernés.

 

CONCLUSIONS

Au total, l’expertise relève une somme de dysfonctionnements dans la prise en charge clinique et dans l’organisation.

Les conclusions rendues au tribunal sont les suivantes :

L’absence d’incapacité totale temporaire

Une incapacité permanente partielle de 5 %

Un pretium doloris de 1,5/7

Un préjudice esthétique faible

 

EN CONSÉQUENCE, L’ÉTABLISSEMENT A DÛ INDEMNISER LA VICTIME.

 

Article proposé avec le soutien de l'ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux)

Tél. 0 810 600 160 - www.oniam.fr

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