Le HHC, ce « joint légal » qui inquiète les médecins

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Le HHC, un cannabinoïde en vente libre à mi-chemin entre le THC et le CBD, connait un succès grandissant, au grand dam des addictologues.

Le HHC, ce « joint légal » qui inquiète les médecins

© IStock 

Cela a la couleur du cannabis, l’odeur du cannabis, les effets du cannabis mais ce n’est pas exactement du cannabis. L’hexahydrocannabinol (HHC) est un cannabinoïde qu’on retrouve à l’état naturel dans la plante du cannabis, mais qu’on obtient essentiellement de manière synthétique en hydrogénant du tétrahydrocannabinol (THC), la principale substance active du cannabis responsable de ses vertus stupéfiantes. Si cette molécule a été synthétisée pour la première fois en 1947, cela ne fait que quelques années qu’elle a trouvé sa place sur les échoppes des nombreuses boutiques de cannabidiol (CBD) qui pullulent désormais dans les grandes villes.

Sous forme de cigarettes, de fleurs à infuser ou de bonbons, le HHC est de plus en plus populaire chez les adeptes de la « défonce » légale. « C’est 25 % de mon chiffre d’affaires » explique un gérant d’une boutique de CBD interrogé par RTL. « Si je voulais suivre, je n’avais pas le choix, tout le monde en veut, les clients m’en demandaient trop, surtout les touristes, quand vous proposez du CBD aux Américains, ils vous rient au nez » explique une autre vendeuse, qui ne cache pas sa perplexité face aux propriétés de ce nouveau produit.

A mi-chemin entre le CBD et le THC

Le HHC semble être à mi-chemin entre le CBD, connu pour ses vertus apaisantes et le THC. « C’est un CBD beaucoup plus puissant, mais sans les mauvais effets comme la paranoïa » assure un vendeur. Nombre de médecins ne sont pas de cet avis et estiment que le HHC est plus comparable au THC et ses effets psychotropes importants, qui peuvent provoquer des effets secondaires psychiatriques graves. « Ça agit sur les mêmes récepteurs que le THC, ça a les mêmes effets psychoactifs ou presque, donc ça peut entrainer les mêmes risques, les mêmes complications, les mêmes addictions ; cette molécule a des effets toxiques au niveau neurologique, psychiatrique et cardiovasculaire » s’inquiète le Pr Nicolas Authier, professeur de pharmacologie à Clermont-Ferrand « En revanche, aucun intérêt thérapeutique n’a pour l’instant été démontré » ajoute-t-il.

Les alertes sur les effets nocifs de ce « joint légal » comme on le surnomme se multiplient ces derniers mois. Le réseau français d’addictovigilance a déjà recensé une dizaine de cas d’intoxication au HHC, les patients souffrant de vomissements, vertiges et crises de tachycardie. L’un d’eux a dû être hospitalisé. « Dix cas, on va dire que ce n’est pas beaucoup mais en addictovigilance c’est un vrai signal, on sait que lorsqu’on a un cas répertorié, il y en a en fait 100 » souligne la Pr Joelle Micallef, professeur de pharmacologie à Marseille.

Bientôt interdit ?

Si la légalité du CBD a fait l’objet d’une longue bataille juridique, qui s’est conclue le 29 décembre dernier lorsque le Conseil d’Etat a jugé que rien ne justifiait son interdiction, la vente légale de HHC repose elle sur un vide juridique. Selon le principe du droit selon lequel tout ce qui n’est pas explicitement interdit est autorisé, le HHC est légal tout simplement parce qu’il ne figure pas dans la liste des stupéfiants prohibés fixée par décret.

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Face à la dangerosité potentielle du HHC et ses similitudes avec le THC, les addictologues demandent au gouvernement d’agir pour interdire ce produit, comme c’est déjà le cas chez plusieurs de nos voisins européens (Autriche, Finlande, Estonie…). La Direction générale de la Santé (DGS) assure que « les autorités sanitaires sont actuellement en train de travailler à une clarification du statut juridique du HHC, dont l’une des conclusions pourrait prendre la forme d’un classement comme stupéfiant » et que la décision reviendra à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). En attendant, le HHC est toujours en vente légale et les consommateurs peuvent donc acheter et consommer en toute impunité un produit extrêmement proche du THC.

Grégoire Griffard
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