« La santé connectée est encore un grand bazar »

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Sus à l’optimisme béat

« La santé connectée est encore un grand bazar »

Prenant le contre-pied de la majorité des séminaires sur la santé connectée, celui organisé la semaine dernière par le réseau doctoral de l’EHESP a fait entendre un son de cloche différent : celui du scepticisme.

 

D’habitude, le journaliste spécialisé ressort méfiant des forums consacrés à la santé connectée. Il a souvent la vague impression qu’on a cherché à lui vendre du rêve. Mais jeudi dernier, à l’occasion du séminaire e-santé organisé par le réseau doctoral de l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), tout était différent.

Un taux de startuppers singulièrement bas

Le cadre, d’abord. Les débats avaient lieu dans un modeste amphi du campus des Cordeliers à Paris-Descartes. Une ambiance légèrement surannée, qui tranchait avec les habituels hôtel prestigieux et autres centres de conférences luxueux où se déroulent habituellement ce genre d’événements.

Les intervenants ensuite. Le taux de startuppers parmi eux était singulièrement bas, tandis qu’on comptait un nombre remarquablement élevé de sociologues et de représentants de patients.

« Un grand bazar »

Le contenu des débats, enfin. Loin de l’optimisme unanime qui prévaut en général lors des conférences sur la santé de demain, le ton générale était plutôt à la prudence, voire au scepticisme.

« La santé connectée est encore un grand bazar », expliquait par exemple le Dr Nicolas Postel-Vinay, en charge de l’éducation thérapeutique et de la télémédecine à l’Hôpital européen Georges-Pompidou et fondateur du site Automesure.com. Pour ce spécialiste de l’utilisation médicale des objets connectés, la prudence s’impose : « Même si le capteur est fiable, sans contextualisation de la mesure, on ne peut pas l’utiliser ».

Sans compter que l’objet n’est pas tout. « Il ne faut jamais dissocier l’objet connecté de l’algorithme qui traite les informations », avertit Nicolas Postel-Vinay. Celui-ci raconte avoir analysé les algorithmes qui se trouvaient dans six tensiomètres connectés : « Cinq se trompaient dans le choix des normes », se souvient-il.

« Un peu tôt »

Même prudence du côté du Dr Arthur André, neurochirurgien et président de la startup CitizenDoc. « Je pense qu’il est un peu tôt pour les objets connectés », remarque ce jeune médecin. « Les Google Glass ont été un échec, les trackers sont abandonnés par leurs utilisateurs au bout de deux mois, etc. »

Prenant l’exemple de la télémédecine, Christian Saout, Secrétaire général délégué du Collectif inter-associatif sur la santé (CISS) et infatigable représentant des patients, était encore plus sombre. « On ouvre tous des yeux ébahis devant les cabines de téléconsultations », ironise-t-il.  « Mais si on met ces cabines dans les déserts à la place des médecins, je ne suis pas sûr que les patients qui paient des impôts s’en satisferont. »

« Il peut y avoir un apport en santé publique »

Heureusement, quelques doses d’optimisme sont venues se glisser dans cet océan d’avertissements de de précautions. Voulant montrer que tout n’est pas à jeter dans le monde des objets connectés, Arthur André a pris l’exemple des diabétiques et des asthmatiques. « Ce sont des populations habituées à utiliser des objets, pas forcément connectés », dans le cadre de leur prise en charge. « Il peut y avoir un apport en santé publique des objets connectés chez ces patients-là »

Ouf… le roi n’est pas entièrement nu.

Source:

Adrien Renaud

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