Alors que le recours aux soins est important en France et progresse d’environ 4 % par an (croissance dite « tendancielle » de l’ONDAM), on parle toujours majoritairement de curatif et de gestion des risques plutôt que de préventif. « Soigner les causes et s’inscrire dans une démarche "amont" plutôt qu’"aval" permet à la fois de préserver d’abord la santé des individus, notamment les plus vulnérables, et secondairement l’efficacité du système de santé sur le moyen et le long terme en le soulageant de la morbidité ainsi évitée », estime le rapport 2023 du Shift Project « Décarboner la santé ».
Le think-tank consacre un important chapitre à la prévention comme piste d’action à part entière pour atteindre les objectifs de décarbonation du système de santé, et préconise des actions de transformation tant au niveau organisationnel, social que clinique. « Accompagner fortement la baisse des addictions, accentuer le (télé)suivi des malades polypathologiques ou chroniques afin de participer aux détections précoces et faire baisser les hospitalisations inutiles, inciter au changement de l’offre alimentaire et de la mobilité, proposer un modèle incitatif de prescription au plus près du besoin, etc. »
Dans le volet Prévention et Santé environnementale de sa publication parue fin 2023 « L'urgence d'agir pour préserver la santé de demain : 50 propositions à l'usage de tous les acteurs de la transition écologique en santé », la Fédération hospitalière de France rappelle que la préservation de la biodiversité et de la qualité de l’air et de l’eau, la lutte contre les perturbateurs endocriniens, la lumière artificielle, la pollution sonore, les biocides et les produits phytopharmaceutiques sont des sujets qui doivent être traités par les établissements de santé.
« Prévenir et agir plutôt que guérir et subir »
C’est le slogan-défi que s’est lancé le Dr Alice Baras, dentiste de formation, devenue « professionnelle de santé durable » suite à sa reconversion en formatrice-facilitatrice. Elle forme, informe et accompagne ses collègues, soignants de ville principalement : « L’écoresponsabilité, la protection des systèmes est une démarche de santé, j’aspire à ce qu’elle puisse ne plus être perçue comme une démarche militante de quelques-uns. »
« la catastrophe écologique actuelle est une urgence sanitaire qui nécessite un véritable changement de paradigme, la bascule du curatif au préventif, du cure au care », Dr Alice Baras
Nombre de libéraux s’en sont emparés. Alice Baras loue le dynamisme des URPS ou les initiatives de professionnels de santé exerçant en CPTS : prévention par l’activité physique et la pollution de l’air grâce à la création d’un Pédibus par Activ’santé Marseille, partenariat de la CPTS 21 avec un ESAT reconditionnant les textiles pour en faire des draps d’examen, optimisation des VAD des infirmières pour réduire les déplacements dans la CPTS Pays de Lérins… Mais aussi les MSP et centres de santé, engagés dans la promotion de la santé communautaire, soit « coconstruire la santé avec tous les acteurs et les habitants dans leur contexte territorial ». Et de citer Le Jardin à Bron (Rhône), unique centre de santé planétaire et communautaire en France qui implique les patients dans des programmes de prévention et de lutte contre les inégalités de santé. Ou l’ordonnance verte strasbourgeoise, délivrée aux femmes enceintes par les professionnels de santé, donnant droit à des séances de sensibilisation à la santé environnementale et à la prévention des expositions aux perturbateurs endocriniens, mais aussi à la distribution hebdomadaire gratuite de paniers bio.
https://www.calameo.com/whatsupdoc-lemag/read/00584615447976f93c3b9
En 2023, la CNAM a publié ses orientations stratégiques en s’appuyant sur la double démarche de transformation écologique et la promotion de la santé environnementale et le gouvernement, et la feuille de route interministérielle pour la transition écologique du système de santé. Alice Baras, qui estime que « la catastrophe écologique actuelle est une urgence sanitaire qui nécessite un véritable changement de paradigme, la bascule du curatif au préventif, du cure au care », veut y voir un bon signe, car c’est bien sûr tout le système qui doit aller dans cette direction.