« La Corse subit une injustice territoriale majeure en matière d'accès aux soins, nous sommes la seule région de France sans TEP Scan »

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En Corse, l'absence de TEP scan, oblige chaque année des milliers de patients à se déplacer en métropole. Face à cette carence, professionnels de santé et associations se mobilisent pour améliorer l'accès aux soins

« La Corse subit une injustice territoriale majeure en matière d'accès aux soins, nous sommes la seule région de France sans TEP Scan »

© Midjourney x What's up doc

En Corse, le cancer est la première cause de mortalité chez les moins de 65 ans. 1 800 cancers y sont diagnostiqués chaque année. Pourtant, « Nous sommes la seule région en France à ne pas disposer d’un TEP scan », déclare Laurent Carlini, responsable de la maison de santé du CH d’Ajaccio. Le médecin généraliste et urgentiste a co-signé, avec soixante autres professionnels de santé, une tribune appuyant la demande d’un TEP Scan sur l’île de beauté. Il explique : « Le TEP Scan est utilisé pour les cancers et, maintenant, on l'utilise aussi pour les maladies neurodégénératives comme Alzheimer, ou même pour les pathologies cardiaques. Dans une région où le vieillissement est très marqué, ça a tous son sens. » 

« S’il n’y a toujours pas de TEP Scan en Corse c’est pour des raisons logistiques, mais avant tout politiques »

La situation insulaire de la Corse rend encore plus urgent le fait de disposer d’un TEP scan. Tous les ans, c’est 4 000 patients qui sont obligés de faire le déplacement jusqu’en France métropolitaine pour en bénéficier. Selon Laurent Carlini, « 50% des Corses qui ont besoin de réaliser cet examen ne le font pas ». Il poursuit : « Il y a des contraintes techniques dont nous avons connaissance et conscience sur le transport du produit radiopharmaceutique qui est indispensable pour faire fonctionner ce scanner ». 

Pour autant, ce n’est pas impossible de transporter ce produit. Si les corses n’ont toujours pas accès à ce soin, ce serait davantage pour des raisons politiques : « Il y a une forte instabilité politique qui fait aussi que les discussions ont du mal à avancer ». En deux ans et demi, ce sont huit ministres de la santé différents qui se sont succédés. « Qui dit nouveau ministère dit nouveau cabinet donc nouveau cycle de discussion où il faut presque repartir de zéro », déplore le responsable de la maison de santé. 

Récemment, le député de Haute-Corse François-Xavier Ceccoli a déposé une proposition de loi pour doter la Corse de cet équipement. L’objectif : corriger « une injustice territoriale majeure en matière d'accès aux soins. » A ce propos, Laurent Carlini déclare qu’il n’y a « pas véritablement d'autorisation à demander. » Pour lui, c'est presque une obligation réglementaire : « Je ne suis pas certain de la plus-value d’une proposition de loi. »

Les associations insulaires au secours des patients 

Les contraintes principales liées à l’absence du TEP scan sont principalement dues à l’obligation de se rendre sur le continent pour effectuer un simple acte médical. La plupart des patients nécessitants ce scanner sont en processus de chimiothérapie. « La fatigue fait que parfois le patient ne pourra pas se déplacer », raconte l’urgentiste ajaccien. 

Une autre contrainte, et pas des moindre, c’est le coût du voyage, non pas pour le malade mais pour son accompagnant.  « Il y a une prise en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie sur tout examen qu'on ne peut pas réaliser en Corse, notamment grâce à l’affection de longue durée. Le problème c’est l’accompagnant qui, lui, n'est pas forcément pris en charge ». Actuellement, il existe plusieurs associations insulaires qui œuvrent pour aider les malades dans leur parcours de soin. 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/vittoria-les-corses-vont-avoir-droit-un-chu

L’INSEME est une association fondée en 2009. Elle œuvre pour tous les insulaires ayant besoin de se faire soigner sur le continent. Thomas Albertini est l’un des quatre salariés de l’association, il raconte : « On intervient essentiellement sur le transport et l'hébergement. Nous disposons de neuf appartements pour loger des patients et/ou leur famille ». Concernant le transport, l’INSEME a un partenariat avec Air Corsica : « Nous pouvons débloquer des places sous 48h. Parfois, il est possible de trouver des places dans l’heure. » 

En juillet 2019, l’association a été reconnue d’utilité publique. « Cela implique de recevoir des financements publics. » Des financements privés sont tout de même nécessaires : « Nous recevons des dons de personnes ou d’entreprises, des héritages aussi. Nous organisons parfois des événements avec cagnottes que nous récupérons entièrement ou partiellement ». Thomas Albertini rebondi sur la création à venir du CHU : « C’est une bonne nouvelle. En revanche, les besoins ne vont pas arrêter d'exister du jour au lendemain. Il y aura une période transitoire, le temps que les nouveaux médecins soient formés chez nous. Et puis, il restera toujours des spécialités qu'on n'aura pas et des équipements qu'on mettra du temps à avoir »

La création d’un CHU devrait remédier au problème du TEP scan, et en régler beaucoup d’autres

Le mardi 3 décembre, l’Assemblée nationale a approuvé à l'unanimité une proposition de loi transpartisane visant à créer d'ici à 2030 un centre hospitalier universitaire (CHU) en Corse, dernière région de France encore privée d'une telle structure. Laurent Carlini mesure son enthousiasme : « Encore une fois, il faut tenir compte de l’instabilité politique. » 

Un CHU sans disposer d’un TEP scan, c’est impensable. Or, celui-ci ne verra pas le jour de sitôt. « Le TEP scan et le CHU évidemment que ça va de pair, mais l'un n'empêche pas l'autre. On peut se projeter un peu plus rapidement pour le TEP Scan que pour le CHU, et on aimerait ne pas avoir à attendre 2030 pour en obtenir un sur l’île », précise l’urgentiste.

Le point très positif que va amener le CHU, c’est la formation de nouveaux soignants directement sur l’île. Pour le moment, seule la première année de médecine est réalisable en Corse. Les étudiants doivent ensuite se diriger sur le continent pour continuer leur cursus. Thomas Albertini nous explique qu’il est prévu « d’ouvrir la deuxième et troisième année prochainement ». Parmi les étudiants qui ont effectués leur première année à la faculté de Corte, 70% sont revenus exercer leur profession sur l’île. « Nous avons besoin de médecins. Former les prochains directement ici serait un vrai plus, si on en croit les statistiques ceux formés en Corse resterons en Corse », conclut Laurent Carlini

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