Le principe de cette médecine nucléaire : des molécules faiblement radioactives, appelées radiotraceurs, sont injectées en intraveineuse et, une fois dans le sang, se diffusent dans tout le corps des patientes.
"Une partie de la molécule émet des radiations, ce qui permet d'avoir des images ; une autre se fixe sur un récepteur", a résumé le Dr Romain-David Seban, médecin nucléaire et chercheur à l'Institut Curie, lors d'une conférence de presse en amont d'Octobre rose.
Derrière un "concept faisant parfois un peu peur car il y a le mot nucléaire" se cache une technique pour mieux soigner, a exposé cet expert avant la campagne de sensibilisation annuelle au cancer du sein, qui reste le cancer le plus fréquent et le plus meurtrier chez les femmes françaises (61 000 cas détectés pour 12 000 décès par an).
Moins d'attente et de fatigue
Selon leur stade d'évolution, leur localisation dans l'organe, les cellules à partir desquelles ils se sont propagés ou encore la présence de récepteurs hormonaux, les cancers du sein diffèrent. Les ripostes thérapeutiques aussi.
Pour affiner le diagnostic, détecter d'éventuelles métastases, mesurer voire prédire la réponse aux traitements, il faut un maximum d'informations, et la médecine nucléaire peut jouer un rôle.
Cette imagerie déjà employée n'est pas invasive, car elle ne nécessite pas de biopsie, et donne des informations sur tout l'organisme, là où une biopsie est très ciblée, vantent ses spécialistes.
Romain-David Seban a cité l'exemple d'une patiente "avec un cancer du sein triple négatif, venue faire un bilan d'extension pour voir si sa maladie était circonscrite ou pas". "Comme il n'y avait pas de métastases, elle était éligible au traitement avec de la chirurgie, de la chimiothérapie et de la radiothérapie, plus de l'immunothérapie comme sa tumeur était relativement agressive", a-t-il expliqué.
Les progrès technologiques réduisent le délai pour obtenir des images après l'injection d'un radiotraceur, gage d'une attente et d'une fatigue moindres pour les patientes, observent les spécialistes.
Pour le moment, les médecins nucléaires utilisent surtout une machine appelée TEP-scanner, avec un radiotraceur ciblant les cellules du corps les plus consommatrices de sucre - dont font partie les cellules cancéreuses. Mais il y a parfois des faux positifs, ou, au contraire, certaines métastases non visualisées.
« C'est une révolution »
D'autres pistes sont donc à l'essai pour le futur, dans l'espoir de meilleurs diagnostics, voire de prédictions sur les réactions aux traitements.
L'Institut Curie mise notamment sur un traceur se fixant à des cellules particulières du micro-environnement de la tumeur, les fibroblastes.
A l'étude dans des essais cliniques pour les cancers du sein triple négatif, les plus agressifs, un radiotraceur nouvelle génération (le "FAPI") pourrait mieux repérer les métastases, évaluer l'efficacité d'un traitement ou détecter précocement une rechute, selon ses spécialistes.
Des chercheurs expérimentent aussi un traceur ciblant les récepteurs aux hormones, particulièrement à l'estradiol, pour savoir s'ils sont présents dans le sein de certaines patientes car ils conditionnent l'efficacité de l'hormonothérapie.
"De plus en plus d'essais cherchent, en combinant imagerie et médecine nucléaire, à voir quelles patientes vont très bien répondre au traitement ou pour lesquelles on pourrait réduire demain la chimiothérapie et/ou l'immunothérapie, voire qu'on pourrait ne plus opérer. C'est une révolution", a affirmé la Pr Anne Vincent-Salomon, directrice de l'Institut des Cancers des Femmes, co-créé par Curie, Paris Sciences et Lettres (PSL) et l'Inserm.
"L'image révolutionne la prise en charge en cancérologie. Loin d'une photographie qui décrit, on est dans l'image qui traite, voire qui prédit", a ajouté Steven Le Gouill, directeur de l'ensemble hospitalier de Curie.
Outre sa finesse d'analyse croissante, elle apporte des réponses plus rapides aux soignants -des capacités que l'intelligence artificielle devrait démultiplier.
Avec AFP