Le respect du secret médical et la lutte contre les maladies infectieuses sont parfois difficiles à concilier et la question devient particulièrement sensible et complexe lorsqu’on s’intéresse aux infections sexuellement transmissibles (IST). Si le médecin doit toujours inciter un patient porteur d’une IST à notifier l’information à son ou ses partenaires sexuels, on sait que cette notification peut parfois être difficile (voire impossible) en pratique, en raison du caractère supposément « honteux » que revêtent les IST.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a donc émis des recommandations visant à améliorer la pratique de la notification aux partenaires. Des recommandations qui s’inscrivent dans un contexte de diminution du dépistage des IST depuis le début de la pandémie de Covid-19 et d’augmentation des contaminations. « Les IST bactériennes sont globalement en hausse, l’épidémie de VIH est encore très active et le retard au diagnostic persiste, notamment pour les personnes éloignées du système de santé et les populations migrantes » s’inquiète la HAS.
Permettre la notification des IST par un tiers
La HAS se penche d’abord sur les mesures qui pourrait être prise dans le cadre législatif et réglementaire actuel afin d’améliorer la notification aux partenaires par le patient lui-même, appelé patient index. Elle rappelle ainsi que cette notification doit toujours être mentionnée par le médecin lorsqu’il annonce son test positif au patient. La notification doit notamment être recommandée pour les IST pour lesquelles il existe un traitement permettant de limiter, voire de supprimer le risque de transmission ainsi que les éventuels complications graves liées à l’infection. La HAS insiste sur le fait que la notification est particulièrement importante et urgente lorsque la partenaire en question est une femme enceinte ou allaitante qui pourrait transmettre la maladie à son enfant. Si possible et si le patient y consent ou le demande, le médecin doit proposer de le recevoir lui et son partenaire pour une consultation tripartite.
Mais au-delà de ces recommandations somme toute assez classique, la HAS préconise une évolution de la loi sur le secret médical afin de permettre la notification aux partenaires par une personne autre que le patient index. « Cette évolution devrait permettre que cette notification soit faite par un tiers (professionnel de santé, association, médiateur…) lorsque le patient infecté ne peut pas le faire, pour des raisons qui lui appartiennent et malgré tous les efforts effectués pour l’encourager dans en ce sens » écrivent les experts de la HAS. « Ce relais serait pris à la demande du patient avec son consentement libre et éclairé » précisent-ils.
Le traitement accéléré des partenaires, une pratique non autorisée en France
En plus de ce mécanisme de notification des IST par un tiers, la HAS demande la mise en place du « traitement accéléré des partenaires » (TAP), un mécanisme qui existe dans d’autres pays (au Québec notamment) mais qui n’est pas autorisée en France. « Le TAP consiste à remettre au patient index une ordonnance au profit de son partenaire, sans consultation préalable de ce dernier » explique la HAS. L’institution précise que cette méthode, quelque peu contraire à la pratique habituelle de la médecine, « doit être considéré comme un outil de dernier recours en cas d’impasse ou de difficultés à faire venir le partenaire en consultation ».
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/lhopital-un-baisodrome
La HAS a bien conscience que ces recommandations, notamment celle sur la notification par un tiers et le TAP, bousculent quelque peu les règles habituelles du secret professionnel. Elle préconise donc « qu’une réflexion sur le sujet associe l’ensemble des professionnels de santé et des associations d’usagers, afin de s’assurer de leur adhésion à ces évolutions » et « encourage la mise en place de systèmes de surveillance et d’enquêtes ponctuelles pour les populations les plus exposées ».
Nicolas Barbet
Découvrez le JIM