Intrusion à la Pitié-Salpêtrière : qui bluffe ?

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Martin Hirsch déplore l'intrusion de manifestants dans l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière lors du 1er Mai. Il dénonce des « débordements gravissimes ». Des journalistes contestent sa version des faits.

Intrusion à la Pitié-Salpêtrière : qui bluffe ?

La bataille médiatique fait rage. À ma gauche, Martin Hirsch, Agnès Buzyn ou Christophe Castaner déplorent l'intrusion d’une dizaine de manifestants à la Pitié-Salpêtrière lors du 1er Mai. A ma droite, des journalistes, des militants, des citoyens de tous bords contestent la version « officielle » du gouvernement.
 
C’est Martin Hirsch, le directeur général de l’APHP, qui fut l’un des premiers à s’émouvoir de cette « intrusion » de manifestants dans la Pitié-Salpêtrière : « Plein soutien aux équipes de @HopPitieSalpe qui ont fait face à une bande de manifestants/casseurs dans une tentative d’intrusion violente dans le service de réanimation chirurgicale ! Et qui ont empêché la mise en danger de patients », écrivait-il sur Twitter hier, en fin d’après-midi.

Rebelote ce matin sur franceinfo : Martin Hirsch annonce qu’il porte plainte, déplore des « débordements gravissimes » et « inédits », estime que l’on est passé « au bord de la catastrophe » et enfonce le clou :
 
« Vous vous rendez compte si j'étais là ce matin devant vous pour expliquer qu'il y a des patients qui ont été bousculés et qui ont pu mourir au sein d'un des meilleurs hôpitaux d'Europe ? Je n'ose pas l'imaginer ».
 
Ce qui est inédit, selon le directeur général de l’APHP, c'est que des personnes « ont tenté de forcer une porte derrière laquelle ils voyaient qu'il y avait des soignants qui criaient : 'Attention, malades, danger !' »
 
À propos de l’hôpital, il affirme : « On a d'abord forcé les grilles et ensuite on a essayé de forcer une porte d'un bâtiment dont on voyait que c'était un bâtiment où on était en train de soigner des patients graves ».

Des infirmières ont préservé le service de réanimation ?

Quant à Christophe Castaner, il a évoqué une « attaque » par des militants anticapitalistes black blocs. « Des infirmières ont dû préserver le service de réanimation. Nos forces de l’ordre sont immédiatement intervenues », affirme le ministre de l’intérieur.
 
Enfin, Martin Hirsch fait le parallèle avec l’affaire de l’hôpital Necker qui avait été visé par des actes de vandalisme lors d’une manifestation parisienne contre la loi travail en juin 2016 :
 
« Il y a trois ans, quand Necker avait été caillassé, il n'y avait pas marqué 'hôpital', donc il y a des gens qui ont prétendu qu'ils ne savaient pas... Là, on ne pouvait pas ne pas savoir qu'on était dans un hôpital. »
 
Le parallèle avec l’affaire Necker est en effet pour le moins troublant. Pour certains journalistes, comme Sylvain Ernault, « Jurisprudence Necker oblige, recouper les sources est nécessaire car l'instrumentisation politique est tentante ».  Et de poster une vidéo des manifestants de tous âges expulsés de l'enceinte à 16h35.

D’autres vidéos ont été relayées sur Twitter par le journaliste indépendant David Dufresne qui recense les violences policières depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes.
 
Elles illustrent la thèse suivante : les manifestants entrés dans l’enceinte de l’hôpital voulaient se réfugier pour fuir une colonne de CRS. Elles montrent en effet une marée de CRS pénétrer dans l’enceinte de l’hôpital, sur la piste de Gilets jaunes qui ne manifestent pas de signes d’agressivité. Beaucoup ont d’ailleurs les mains levées.

Pour Assma Maad, journaliste aux Décodeurs du Monde, les images diffusées par le journaliste David Dufresne sur Twitter « indiquent plutôt que les manifestants ont été repoussés par une colonne de CRS dans l’enceinte de l’hôpital, où ils ont tenté de se réfugier ».

Toujours selon Le Monde, une journaliste de l’AFP aurait également vu à cet endroit des manifestants se mettre à l’abri dans l’enceinte de l’hôpital pour échapper aux gaz lacrymogènes, avant d’être pourchassés par les forces de l’ordre.
 
Quant au médecin urgentiste Gérald Kierzek, il appelle à rester prudent. Selon lui, « pas « d’attaque » de @HopPitieSalpe mais plutôt manifestants qui s’y réfugient et se retrouvent à l’entrée d’une réa. » Donc, « pas de mise en danger des patients. »

Enfin, Paris-luttes.info lance un appel à témoignage contre la propagande sur la Pitié-Salpétrière. D’après le site, « Castaner veut nous refaire le coup de l'Hôpital Necker ». C’est pourquoi ils invitent à témoigner « toutes les personnes qui se sont fait gazer, poursuivre, embarquer par les flics dans l'hôpital de la Pitié Salpétrière, pour se faire accuser mensongèrement du "saccage" du service de réanimation (!). »

Qui a tort ? Qui a raison ? Qui ment ? Qui dit la vérité ? Difficile d’y voir clair pour le moment. Mais le temps, une fois de plus, devrait jouer contre les bonimenteurs.

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