Installation de médecins : Présence médicale 64, une réussite transposable ailleurs ?

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Le succès se mesure aussi à la capacité à inspirer les autres. Le dispositif Présence médicale 64, lancé en 2018 dans les Pyrénées-Atlantiques pour favoriser l’installation durable de nouveaux médecins généralistes, fait des émules.

Installation de médecins : Présence médicale 64, une réussite transposable ailleurs ?

© DR-PM 64

Depuis 2020, c’est une trentaine de départements, communautés de communes ou régions de toute la France qui sont venus toquer à sa porte pour connaître sa recette. A l’heure où de nombreux territoires en France s’arrachent les cheveux pour repeupler médicalement leurs villes et leurs villages, le dispositif innovant mené depuis plus de 6 ans du côté des Pyrénées-Atlantiques est une source d’inspiration croissante. Jusqu’à la transposition ? En 2024, dans une thèse de médecine intitulée Attentes des étudiants de 3e cycle de médecine générale de Nouvelle-Aquitaine sur la création d’hébergements territoriaux des étudiants en santé en milieu rural, Élise Deyres et Emma Zeghdar écrivaient : « Il serait intéressant qu'une institution semblable à « Présence médicale 64 » existe dans chaque département ». 

« Cela veut dire que nous avons visé juste », glisse Thierry Carrère, le vice-président du Conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, en charge du dossier. « La forme d'organisation du dispositif, avec ce copilotage Département/ARS et la présence des professions médicales, des organismes et des élus de territoire dans nos comités de pilotage, est unique et porte ses fruits ».

Une population médicale en croissance et rajeunie

Les résultats le prouvent. Entre 2019 et 2025, Présence médicale 64 a accompagné 50 installations de nouveaux médecins généralistes. Une quarantaine d’accompagnements sont en cours sur 2025 et 2026, et 73 candidats à l’installation pour 2027 et 2028 se sont déjà fait connaître. Résultat, les Pyrénées-Atlantiques ont réussi à amortir la chute puis à faire croître leur population de médecins généralistes libéraux. En 2024, le département a même dépassé le niveau de 2018 : avec 700 médecins généralistes, contre 696 alors. Ce chiffre était tombé à 672 entre-temps.

Par ricochet, sa population de généralistes s’est aussi rajeunie, en particulier dans les zones les plus rurales. La moyenne d’âge des généralistes a chuté de cinq ans entre 2018 et 2024, passant de 53 à 48 ans ! Des médecins plus jeunes, mais aussi mieux formés pour accueillir les internes : depuis la mise en place de formations délocalisées par Présence médicale 64, en 2019, le nombre de maîtres de stage des universités (MSU) a bondi de 40 %, passant de 93 à 130 en 6 ans.

« Connu, reconnu, adoubé »

« Au-delà des chiffres, je retiens la dynamique collective autour de ce projet : le lien fort avec les territoires, et la confiance et le travail en commun avec le corps médical. L’implication des internes et des médecins à nos côtés donne toute sa force au dispositif, désormais connu, reconnu, adoubé », se réjouit Thierry Carrère.

À ses côtés, le président du Conseil départemental, Jean-Jacques Lasserre, en livre une analyse plus politique : « Nous essayons d’œuvrer en profondeur, sur le désir de nos collectivités locales. Cette culture du désir d'accueillir, du désir d’installer, nous la travaillons avec les communes et les intercommunalités, ainsi que les communautés médicales. C’est cet état d'esprit qu'il faut faire perdurer. Les résultats sont très encourageants ».

Celles et ceux qui œuvrent pour ce dispositif sont persuadés que l’esprit Présence médicale 64 est transposable autour de ses valeurs clés que sont l’intelligence territoriale, le pilotage inclusif ou encore l’éthique de non-concurrence. Sur ce point, une charte spécifique est même en réflexion. « Nous veillons systématiquement à ne pas entrer en tension entre territoires. Il faut également surveiller qu’il n’y ait pas de surenchère de la part des médecins candidats à l’installation », explique Arnaud Fontaine, maire de Osserain-Rivareyte et vice-président de la Communauté d’agglomération Pays basque délégué à la santé. Et si cette approche agit à l’intérieur du département, elle peut aussi fonctionner à une échelle plus large. « Voilà pourquoi nous avons toujours été ouverts au partage d'expérience. Une transposition est possible à partir du moment où, comme nous l’avons fait, les acteurs partent du terrain et agissent tous ensemble », affirme Nadine Hialé, la directrice de Présence médicale 64.

Les Landes emboîtent le pas

Proximité géographique aidant, le département voisin des Landes marche depuis peu dans les pas du 64. Il s’est rapproché des Pyrénées-Atlantiques en vue de développer un dispositif ressemblant. Le Dr Marco Romero, vice-président de la CPTS Adour Chalosse Tursan, a beaucoup œuvré en ce sens. C’est en tant que professeur associé au Département de médecine générale (DMG) de l’université de Bordeaux qu’il a connu « PM64 ».  « Je me suis intéressé à leurs actions, étant moi-même médecin dans une zone d’intervention prioritaire (ZIP), raconte-t-il. J’ai trouvé ce dispositif pertinent et efficace pour attirer les internes et favoriser l'installation des jeunes médecins généralistes ».

« Ce qui nous a tout de suite intéressés, c’est leur capacité à accorder les violons pour éviter la concurrence frénétique et les surenchères entre territoires. C’est quand même de l'argent public qui est en jeu », souligne de son côté Paul Carrère, vice-président du département des Landes délégué aux Affaires sociales.

Un essaimage encouragé par l’ARS

En parallèle, les deux départements voisins ont commencé à unir leurs forces pour développer la formation des MSU. « Nous partageons et coordonnons désormais ces formations entre les deux territoires. Ensemble, nous pouvons en dispenser davantage », explique le Dr Christophe Jouhet, maître de conférence associé au DMG, à Bordeaux, et membre de Présence médicale 64.

Pour le Dr Jouhet, ce nouveau type de collaboration interdépartementale est rendu d’autant plus pertinent par la réforme de la 4e année du DES médecine générale : « Cette évolution nécessite de renforcer encore les liens entre les différents interlocuteurs, pour agir aussi bien sur la vie personnelle que professionnelle de l’interne. Il faudra qu’un MSU puisse proposer un local de consultation, que le Docteur Junior accueilli puisse être logé, parfois même avec sa famille, tout en l’intégrant dans le paysage d'offres de soins ».

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/page/presence-medicale-64

Dans toute la région, le modèle « PM64 » fait donc tache d’huile. « Nous nous sommes appuyés sur ce que Présence médicale 64 a développé pour lancer le dispositif Terre d'accueil jeunes médecins », indique ainsi Benoît Elleboode, le Directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine. Une vraie reconnaissance, par les services de l’Etat, du bien fondé et de l’efficacité de la démarche.

- Un article écrit avec le soutien et l’éclairage des membres du collectif Présence médicale 64
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