Guide pratique de fabrication de masques en période de pénurie

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À Agen des infirmières ont utilisé des soutiens-gorge comme masque. À Paris, une médecin raconte mettre ses FFP2 au four pour pouvoir les réutiliser. Et du côté des CHU de Lille comme de Grenoble des tutoriels ont été publiés pour fabriquer des masques en tissu. Face au manque de matériel, la débrouille s’organise.  
 
 

Guide pratique de fabrication de masques en période de pénurie

Dans les couloirs des CHU ou lors d’une réunion, comment protéger le personnel hospitalier ? Pour répondre à cette problématique, le CHU de Lille Àdéveloppé un masque en tissu, nommé Garridou (marque déposée). Produit par un industriel, et vendu à prix coûtant aux soignants, le cahier des charges testé par lÀDGA, est téléchargeable sur le site du CHU. “On considère que jusqu’à quatre heures, il est aussi efficace qu’un masque chirurgical”, souligne Pascal Odou, pharmacien au CHU de Lille. “Il a aussi été soumis au test du lavage et semble pouvoir tenir jusqu’à 15 lavages à 60 degrés”, ajoute Delphine Garrigue, médecin anesthésiste, cheffe de pôle adjointe aux urgences. Depuis, nombre d'établissements ont développé leur tutoriel à destination du personnel hospitalier comme à Grenoble ou à Chambéry. “Pour connaître les performances des masques en tissu, il y a plusieurs aspects à prendre en compte, l’efficacité de filtration du tissu, l’étanchéité au visage et la respirabilité du masque", souligne Myriam Bouslama, experte à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Le talon d’Achille de ces masques reste la couture. Aussi, les masques fabriqués pour les personnes malentendantes qui lisent sur les lèvres ne semblent pas recommandés dans un contexte de soins. “La couture de cette zone en plastique au niveau de la bouche, peut, en théorie, laisser passer des particules fines”, avertie Myriam Bouslama.
 

Masques en plastique

Autres types de masques développés, ceux en plastique comme les Easybreath fournis par Décathlon. Avec l'adaptateur, et le filtre antiviral ou antibactérien, il est utilisable en service de réanimation covid-19 pendant une heure maximum. “Il n’a pas vocation a été utilisé en dehors des hôpitaux, ajoute Isabelle de Segonzac en charge de la communication. Seuls ces établissements peuvent les désinfecter sans risque”. Ce dispositif, avec le filtre a été validé par l’ANSM et une adresse email (easybreath-covid19@decathlon.com) a été mise en place pour les hôpitaux qui souhaitent bénéficier de ces dons. Quant aux visières, si elles ont l’avantage de protéger des grosses gouttelettes et permettent d’éviter de souiller trop vite les masques, “elles ne protègent pas des particules les plus minimes, explique Isabelle de Segonzac. Si elles sont utilisées en plus d’un masque, elles peuvent protéger l’intégralité du visage et donc des muqueuses oculaires”. 
Du côté de Grenoble, le CHU, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, l’Ordre des médecins mais aussi le CEA développent aussi un masque en plastique réutilisable jusqu’à 100 fois. “À ce jour, il est testé pour être utilisé jusqu’à 8 heures sans problème, hors service de réanimation, explique Philippe Caillol, chef de service direction innovation et promotion du CEA. Baptisé Ocov (marque déposée), il est composé d’une pièce faciale souple qui recouvre le nez, la bouche et le menton. À cela s’ajoute un média filtrant qui doit être changé puis lavé. “C’est un masque très filtrant de type FFP”, ajoute Philippe Caillol. Des certifications sont en cours pour savoir s’il pourra être utilisé en milieu médical et sur quelle durée. “Il a été conçu pour les services de réanimation, et avec l’autorisation de mise sur le marché, il devrait être disponible en mai”. L’entreprise qui les produit table sur un million de masques par semaine, vendu 28 euros TTC. En attendant, un plan d’impression 3D, proche de ce modèle est disponible gratuitement. “Nous n’avons pas opté pour l’impression 3D, souligne Philippe Caillol, car nous trouvions que le plastique était plus souple et donc plus agréable à porter”. 
 

Recylage

Enfin, dernière technique sur laquelle des chercheurs réfléchissent en ce moment : le recyclage des masques chirurgicaux et FFP2. “Des recommandations devraient pouvoir être formulées d’ici quelques semaines”, raconte Philippe Cinquin, professeur et praticien hospitalier à Grenoble. Lui appelle à la prudence car même s’il juge les pistes de recherches “encourageantes”, elles doivent encore être validées. “Pour les masques FFP2, nous avons différents procédés qui semblent garder l’efficacité des masques, comme l’oxyde d’éthylène et le chauffage”. Pas question en revanche de les mettre dans l’eau ou au micro-onde. Quant au four domestique, en théorie il est possible de réutiliser un masque type FFP2 après trente minutes à 90 degrés. Ou 70 degrés en chaleur humide.” Mais là encore attention à la chaleur réelle du four. Enfin, pour les masques chirurgicaux, “nous avons découvert qu’il serait possible, en théorie, de les laver en machine.” Des résultats qui restent maintenant à confirmer ou infirmer, car conclut Philippe Cinquin, “il n’y aurait rien de pire que des personnes se sentent en sécurité et que cela ne soit pas le cas.”
 

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